Les Québécois adorent Pierre et Catherine Breton. D'abord les sommeliers, puis les amateurs de vins naturels et, de plus en plus, monsieur et madame Tout-le-Monde. D'abord réservées aux initiés et vendues en commande privée, plusieurs de leurs cuvées ont fait leur entrée à la SAQ, les unes après les autres, pour étancher les grandes soifs.

Mais avant les réjouissants et glou-glou Épaulé Jeté, puis Avis de vin fort, il y a eu Les Perrières. En appellation Bourgueil (Loire), c'est le vin le plus sérieux du domaine, fait avec les plus vieilles vignes. Son potentiel de garde est notoire. Il vieillit merveilleusement bien. À sa visite en mars, le couple, qui se promenait de dégustation en dégustation, a d'ailleurs débouché plusieurs vieux millésimes : 1986, 1990, 1993, 1999, 2003...

C'est en 1985 que Pierre Breton a vinifié ses premiers cabernets francs, après avoir repris les vignes de son grand-père. Ce dernier ne faisait pas de vin. Il livrait plutôt sa vendange à la coopérative locale. À l'époque, il n'y avait rien de glamour à être vigneron.

Fortement marqué par ses rencontres avec Marcel Lapierre (1950-2010) et Jean Foillard, dans le Beaujolais, Pierre souhaitait, lui aussi, suivre les enseignements du grand Jules Chauvet, père du mouvement des vins naturels. Il est d'ailleurs fier de constater qu'aujourd'hui, plus de 20 % du vignoble de la Loire est biologique.

C'est autour de 1990 que le domaine s'est converti à la culture biologique, puis, un peu plus tard, à la biodynamie. En 1992, les premières vinifications et mises en bouteille sans soufre ont donné naissance à la cuvée festive Nuits d'ivresse. En 1998, les Breton ont arrêté de chaptaliser - ajouter du sucre au moût pour augmenter le degré d'alcool final. En 1999, le niveau de soufre ajouté a diminué pour toutes les cuvées. En 2002, Catherine Breton, qui possédait elle aussi des vignes à Vouvray, a vinifié ses premières cuvées sous l'étiquette La Dilettante.

En 2017, fort d'expériences à n'en plus finir - « en 1994, on a essayé un élevage 100 % bois neuf, c'était imbuvable avant 7, 8 ans ! », confiait Pierre -, le domaine propose une douzaine de cuvées qui expriment bien la polyvalence du cabernet franc. À travers, quelques chenins pétillants et tranquilles, puis un gouleyant grolleau à 10,4 % d'alcool.

Cela dit, les Breton ne sont pas à la veille de s'asseoir sur leurs lauriers. Le fils, Paul, commence tranquillement à assurer une relève. Depuis 2015, il a même sa cuvée, Pierres rousses. La fille, France, aide dans les salons. Les fiers parents, eux, restent curieux, ouverts, puis à l'écoute des précieux conseils de la jeunesse qui boit !

Photo fournie par Oenopole

Pierre et Catherine Breton.

Les cuvées chouchoutes de trois amateurs

BENOÎT ROBERGE

Avis de vin fort, 12 % d'alc./vol., 23,80 $ 12877256

Ce cabernet franc tout en fraîcheur titille la fibre poétique du « cas » Roberge. « Je comparerais l'arrivée d'Avis de vin fort sur les tablettes de la SAQ à celle de Culture Club dans le radiocassette de ma soeur en 1983. Une couleur unique, de la légèreté qui se trémousse et une matière dansante qui vibre jusqu'aux extrémités. Il faut réécouter le début de Karma Chameleon pour avoir une idée de la joie que procure ce vin. C'est grâce à lui que j'ai pu convaincre mes amis les plus conservateurs de quitter la sombre forêt de la production massive. Sortir du "bois" pour voir la lumière traverser cette bouteille transparente. Ne plus souffrir du trop soufré. En être soufflé. Oui, mon capitaine ! »

WILLIAM SAULNIER, HOOGAN ET BEAUFORT

Nuits d'ivresse, en commande privée

En plus de toujours avoir une cuvée (ou deux) de Pierre et Catherine Breton sur la carte des vins de son restaurant Hoogan et Beaufort, le sommelier William Saulnier a des affiches d'Avis de vin fort et d'Épaulé jeté dans sa cuisine. C'est un fan ! Son Breton de prédilection ? Nuits d'ivresse. « Parce qu'il se fait en jéroboam (ndlr : 3L) - ça, ça m'excite ! - et que son nom est vraiment évocateur. Quand on commande une bouteille de Nuits d'ivresse, on sait qu'on va passer une belle soirée. Au Hoogan, on en a vendu deux récemment. C'est un vin dont l'équilibre entre le fruit et le côté végétal du cabernet franc est parfait. »

KEATON RITCHIE, LARRY'S

Bourgueil franc de pied (2015), en commande privée

« Alors que la quasi-totalité du vignoble européen est plantée, depuis la crise du phylloxera du XIXe siècle, sur des porte-greffes résistants, les Breton osent le pari de cultiver, sur une petite parcelle sablonneuse de 0,17 hectare, du cabernet franc non greffé, qu'on dit "franc de pied". La cuvée qu'ils produisent à partir de ces vignes est un idéal de pureté et de précision : une attaque fruitée qui évoque la framboise sauvage, des nuances florales et herbacées qui me rappellent lilas et terre humide et une bouche soyeuse et fraîche aux tannins élégants. C'est un vin digeste pour la table, mais aussi un OVNI viticole qui fait réfléchir avec chaque émouvante gorgée. »