Les événements autour du vin et de la bière sont rarement un endroit de choix pour les enfants, en grande partie parce qu'ils ne peuvent goûter aux produits qu'on y sert. Initier les enfants à la dégustation sans pour autant leur servir une goutte d'alcool, c'est pourtant possible. Cette idée est toutefois loin de plaire à tous.

En Outaouais, le Festibière de Gatineau a trouvé le moyen de faire de la place aux petits. On y offre des ateliers de dégustation avec de la bière d'épinette et des fromages.

«On se concentre sur le développement de la palette de goûts, explique Manuela Teixeira, porte-parole du Festibière. On ne leur fait pas boire de bières. On offre plutôt des bières d'épinette et du soda gingembre. On leur demande ensuite laquelle est la plus sucrée, acidulée ou amère.»

C'est l'enseignant au primaire Mario D'eer qui a eu cette idée, il y a deux ans. Dans le cadre de cet événement consacré aux bières québécoises, il voulait offrir aux plus jeunes une activité similaire à celle de leurs parents. Son concept a séduit les visiteurs: ses ateliers de dégustation sont toujours bondés, assurent les organisateurs.

Mario D'eer croit que l'apprentissage de la dégustation permettra aux enfants, une fois grands, de s'intéresser davantage à la qualité de l'alcool qu'ils boivent plutôt qu'à la quantité.

«Les enfants apprennent à bien consommer et à observer ce qui se passe dans leur bouche, dit-il. Ça contribue à en faire des gens plus éveillés et plus responsables.»

Le vin à l'école

C'est aussi l'avis de la journaliste française Florence Kennel, du journal Le Point. Spécialisée dans le monde du vin, elle s'est inspirée des cours d'oenologie pour mettre au point des jeux simples autour de la dégustation pour les petits de 3 à 6 ans.

Certaines régions viticoles, en particulier la Bourgogne, proposent des jeux aux enfants afin de les initier au vin sans leur servir un verre, explique la journaliste. «Certains vignerons et négociants disposent de mallettes pédagogiques, précise-t-elle. Quand les parents se rendent dans un domaine pour déguster, les enfants ont des coloriages, des casse-tête ou des mots croisés sur le thème du vin, de la vigne et du vignoble.»

Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) offre aux écoles de la région du matériel éducatif autour de la vigne et du vin. On y explique les différences entre «le raisin rouge et le raisin blanc», le cycle végétatif de la vigne, les vendanges, les saisons de la vigne et ses métiers. On trouve aussi des vignettes à gratter pour découvrir différents arômes du vin.

Depuis la mise en place de ce projet en 2009, 650 établissements, soit la moitié des écoles de la région de Bourgogne, ont utilisé le matériel.

Un peu plus au sud, dans la région du Beaujolais, la célèbre famille Duboeuf a ouvert un musée du vin dont une grande partie de l'exposition s'adresse aux enfants.

Sujet controversé

Mais l'idée de parler d'alcool aux plus jeunes est un sujet délicat. Dans un article paru l'an dernier dans le magazine en ligne Slate, le journaliste américain Mike Steinberger explique que les Français, souvent initiés plus tôt à l'alcool, sont nombreux à en consommer de façon excessive. L'expert des troubles de dépendance cité dans cet article affirme qu'«un enfant qui commence à boire à 13 ou 14 ans est jusqu'à neuf fois plus susceptible d'acquérir une alcoolodépendance qu'une personne commençant à en boire à 21 ans».

Ce n'est pas l'avis de tous. Au Québec, le directeur général d'Éduc'alcool, Hubert Sacy, croit plutôt que les enfants gagnent à être initiés à l'alcool par leurs parents, et ce, même s'ils sont mineurs. «Ceux qui ont appris à boire sous supervision parentale ont moins de problèmes d'alcool une fois qu'ils ont grandi, soutient M. Sacy, que ceux qui ont appris à boire en cachette dans les toilettes.» Les jeunes, poursuit ce spécialiste, apprennent à boire «mieux» avec leurs parents. Hubert Sacy précise que cette éducation doit être faite à la maison.

«Un salon des vins, de spiritueux ou de la bière, où il y a de l'alcool partout, dit-il, n'est pas un endroit pour les enfants.»

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DES JEUX POUR APPRENDRE À DÉGUSTER

Qu'il s'agisse de fabriquer des jus de fruits maison ou de goûter les yeux bandés à différents pains (blancs, grillés, noirs), on trouve sur le site de la journaliste Florence Kennel des activités autour de la dégustation que l'on peut facilement organiser à la maison, à peu de frais. En voici deux tirés de son site, www.verre2terre.fr.

Sucré ou salé?

Matériel nécessaire:

Un litre de jus d'orange

Des verres

Du sel

Une nappe blanche pour regarder la couleur du liquide

Procédure:

On verse d'abord du jus dans deux verres pour chaque enfant.

On ajoute ensuite du sel dans l'un des deux contenants.

On demande enfin aux petits de trouver la différence entre les deux liquides et lequel ils préfèrent.

On leur apprend ainsi la notion de sucré et de salé.

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Amer ou acide?

Matériel nécessaire:

Bonbons ou fruits (sucré)

Croustilles (salé)

Cornichon ou citron (acide)

Endive ou chocolat noir 75% (amer)

Un morceau de tissu pour bander les yeux

Procédure:

Les yeux bandés, les enfants goûtent les différents produits.

Ils doivent d'abord identifier les aliments sucrés et ceux qui sont salés.

À partir de 5 ans, on leur demande d'identifier ceux qui sont acides ou amers.

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DEUX LIVRES POUR INITIER VOS ENFANTS AU VIN

Vignes&vins, Un monde à découvrir... raconte l'histoire de la vigne, de l'Antiquité à nos jours, dans un langage simple et amusant. Méthodes de vinification, découvertes des vignobles dans le monde, recette pour cuisiner le pain des vendangeurs, le monde du vin n'aura plus de secret pour les enfants comme pour les grands. Cet ouvrage a été primé aux Gourmand Awards en 2011 pour ses illustrations. Il est destiné aux enfants de 7 ans et plus. Offert à la Librairie du Musée des beaux-arts de Montréal.

Vignes&vins, Un monde à découvrir..., collectif, éd. Mama Josefa, 40 p., 27,95$.

Douze histoires pour expliquer la viticulture aux petits. Elles s'adressent aux enfants dès l'âge de 4 ans.

Grand-père, raconte-moi la vigne, de Pascale Bounet, éd. Féret, 48 p., 27,95$.