C’est devant une foule étonnamment attentive et docile que se déroulait le cinquième gala des Lauriers de la gastronomie québécoise, ce lundi 29 mai. On sentait un petit épuisement du milieu, peut-être, qui a néanmoins accepté ses récompenses dans une ambiance communautaire et solidaire.
Comme le veut la tradition non officielle des Lauriers, Québec et Montréal se sont partagé les prix les plus attendus, et plusieurs régions de la province ont rayonné. Le toujours élégant Monarque, dans le Vieux-Montréal, est le restaurant de l’année 2023. C’est bien mérité pour les Bastien père et fils (Richard et Jérémie), qui ont la restauration dans le sang. François-Emmanuel Nicol, lui, cuisine dans la voûte gastronomique qu’est Tanière3, à Québec. Il est chef de l’année.
Ces Lauriers ont été ceux de la consolidation. Un grand nombre de lauréats gagnaient enfin leur prix après avoir été finalistes plusieurs années d’affilée. C’était le cas de Perle Morency, qui est repartie avec le prix du meilleur service. Elle a souhaité à la salle « un Québec plus souverain… alimentairement parlant ». Jeffrey Finkelstein, boulanger de l’année, en était à sa troisième nomination. Finaliste à chacun des quatre galas, Julien Vézina, d’Honō Izakaya, à Québec, est enfin mixologue de l’année. Il a accepté son trophée tel un Leonardo DiCaprio aux Oscars !
L’absence de Christian Bégin s’est fait sentir. Mais il avait prodigué ses bons conseils à celui qui le remplaçait au pied levé, Francis Reddy : « Fais juste commencer à boire du vin de bonne heure et ça va bien aller. » Moins incisif que l’autre comédien gourmand en rétablissement, l’ancien animateur de Des kiwis et des hommes a mené la barque avec bienveillance, en tandem avec la fondatrice des Lauriers, Christine Plante.
S’il y a une chose qui a été constante pendant la soirée, c’est bien l’évocation des difficultés que traversent les métiers de bouche, que ce soit dans les champs, dans les chais (félicitations à Simon Naud et Steve Beauséjour, du Vignoble de la Bauge, producteurs de boissons de l’année), derrière les fourneaux ou dans les salles à manger. « Ce n’est pas toujours facile de faire ce qu’on fait », a-t-on entendu plusieurs fois.
Stéphanie Wang, qui fait pousser de beaux légumes asiatiques à Frelighsburg, au Rizen, regrette que de nombreuses petites fermes ne durent que quelques années, tant c’est un travail difficile. Celle qui est repartie avec le prix de productrice de l’année parle de fermes pérennes.
On doit réfléchir de plus en plus aux fermes comme des hôpitaux, des écoles qui sont dans nos communautés pour nous nourrir.
Stéphanie Wang, productrice de l’année
Avec sa verve habituelle, Colombe St-Pierre est montée sur scène deux fois, d’abord pour accepter le prix Entreprise ou initiative de l’année au nom de Mange ton Saint-Laurent, puis pour révéler le chef de l’année. « Vous êtes tous des soldats, parce qu’on fait face à une crise sans précédent. Climat nordique, inflation, pénurie de main-d’œuvre, etc. », a lancé celle qui ne cache pas les défis qu’elle doit surmonter dans son Bas-Saint-Laurent.
Sœur Angèle à l’honneur
Le moment le plus truculent du gala a sans doute été la présence sur scène de l’artiste drag Barbada avec ses blagues qui faisaient mouche. Elle présentait le Laurier du public, celui qui est toujours remis à une personne qui démocratise la cuisine pour les Québécois et Québécoises. Le triple auréolé Ricardo étant membre du jury, c’est Geneviève O’Gleman qui est repartie avec le trophée !
Les animateurs avaient préparé une messe pour Sœur Angèle, qui s’est vu remettre le Prix hommage. Sucre à la crème et encens ont circulé dans la salle. Ricardo a fait l’hommage, rappelant que c’est l’Italienne d’origine qui lui a appris à faire un espresso et qui lui a présenté sa précieuse épouse et partenaire d’affaires Brigitte.
Le jury 2023 était présidé par Patrice Demers et Marie-Josée Beaudoin, qui prenaient congé de Brooklyn pendant 36 heures pour être au gala. Ils nous ont confié que leur résidence de deux mois au restaurant Fulgurances se déroulait très bien, avec tout plein de visiteurs québécois. Ricardo Larrivée, Claudia Doyon (mixologue de l’année 2022), Dyan Solomon (cheffe de l’année 2021), Fernande Ouellet (productrice de l’année 2021), la journaliste Allison Van Rassel, le chef Danny Smiles et le chef Chanthy Yen composaient le jury. Il y a maintenant 6000 membres dans la brigade des Lauriers, dont les votes comptent pour 50 % du résultat final.
Pour terminer, sachez que l’Évènement de l’année, La Clé des champs de Dunham, existe depuis 30 ans et c’est justement le week-end prochain (3-4 juin) que se déroule cette grande fête gourmande de Brome-Missisquoi.
La liste en un coup d’œil
Restaurant de l’année
Monarque (Montréal)
Chef de l’année
François-Emmanuel Nicol, Tanière3 (Québec)
Laurier Hommage 2023
Sœur Angèle
Le Laurier du public
Geneviève O’Gleman
Révélation de l’année
Samy Benabed, Auberge Saint-Mathieu (Saint-Mathieu-du-Parc)
Cheffe pâtissière de l’année
Léa Godin Beauchemin, Place Carmin (Montréal)
Boulanger de l’année
Jeffrey Finkelstein, Hof Kelsten (Montréal)
Sommelière de l’année
Caroline Beaulieu, Légende (Québec)
Mixologue de l’année
Julien Vézina, Honō Izakaya (Québec)
Prix du meilleur service
Perle Morency, Côté Est (Kamouraska)
Producteurs de boissons de l’année
Simon Naud et Steve Beauséjour, Vignoble de la Bauge (Brigham)
Productrice de l’année
Stéphanie Wang, Le Rizen (Frelighsburg)
Artisan de l’année
Jean-Simon Petit, La Ferme des Quatre-Temps (Hemmingford)
Entreprise ou initiative de l’année
Mange ton Saint-Laurent
Prix du rayonnement de la culture culinaire
Samuel Sirois, Léandre Legault-Vigneau et Gilles Herzog (équipe canadienne au concours Bocuse d’or)
Évènement de l’année
La Clé des champs de Dunham
Prix du tourisme gastronomique
Cassis Monna & Filles (Saint-Pierre)