Alors qu’on valorise plus que jamais l’achat local et la consommation de la ferme à la table, La Presse reprend la route cet été pour aller à la rencontre d’artisans et de travailleurs agricoles. Troisième portrait d’une série de six avec des membres de la famille Desgroseilliers des Jardins Purdélys, une ferme pionnière dans la production maraîchère biologique au Québec.

En arrivant aux Jardins Purdélys, c’est enchanteur de voir autant de maisons entourer les terres de la ferme. Surtout qu’on peut voir au loin les gratte-ciel du centre-ville de Montréal.

« On connaît tous nos voisins », lance le directeur de la production Denis Desgroseilliers.

Les dizaines de familles de Saint-Isidore-de-Laprairie qui ont comme arrière-cour un champ des Jardins Purdélys peuvent voir pousser une vingtaine de fruits et de légumes : des laitues, des fraises, du chou-fleur, du kale, des pommes de terre…

Ce qui distingue les Jardins Purdélys : ils produisent bio en grande quantité. Il s’agit de la plus grande ferme maraîchère biologique au Québec, si bien qu’une partie des récoltes va même aux États-Unis.

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La ferme est au cœur du village.

« Notre modèle demeure assez unique, convient Denis Desgroseilliers. Des fermes biologiques de grande envergure, il y en a très peu. »

Pour les Montréalais, les produits des Jardins Purdélys répondent à la définition de « manger local », puisque les terres sont à peine à 15 kilomètres du pont Mercier.

Une histoire de famille

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Les Jardins Purdélys sont la plus grande ferme maraîchère biologique du Québec.

Les Jardins Purdélys sont une entreprise familiale. Denis Desgroseilliers et ses frères François et Michel gèrent la ferme. Ses parents et sa femme Geneviève Rodier y travaillent aussi, alors que son frère Louis se consacre au Domaine Labranche, qui est à la fois un vignoble, un verger et une cabane à sucre.

La famille Desgroseilliers a toute une histoire ! Leur ancêtre est Médard Chouart des Groseilliers, coureur des bois légendaire qui a permis au premier navire d’atteindre la baie d’Hudson par le nord.

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Dans les champs des Jardins Purdélys, on peut voir pousser une vingtaine
de fruits et de légumes.

« Il ne savait ni lire ni écrire, c’est donc surtout son camarade Radisson qui a été cité dans l’histoire », explique Denis.

Médard Chouart a pris part à la création de la Compagnie de la Baie d’Hudson et c’est son arrière-petit-fils, Joseph Prosper, qui a défriché la terre de Saint-Isidore-de-Laprairie et lui a donné sa vocation agricole.

Les défis du bio

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Marcel Desgroseilliers et Marie-France Lohé

Des générations plus tard, c’est Marcel Desgroseilliers et sa femme Marie-France Lohé qui ont pris la relève de la ferme.

« Le plus beau de mes fils est en vacances, nous lance Marcel Desgroseilliers avec son délicieux sens de l’humour pince-sans-rire. Et ma fille a mal viré : elle est médecin. »

Les parents de Denis forment un très beau couple. « Même après 42 ans, il n’y a pas une journée où je me dis que je ne le rechoisirais pas », nous dit Marie-France.

Sa plus grande fierté comme mère ? « Que tout le monde soit heureux dans l’entreprise et passionné. »

« Passionné » est sans contredit le bon adjectif pour décrire son fils Denis.

C’est en 2009 que les Jardins Purdélys ont fait le virage biologique après des années de transition. « Il y a 20 ans, il y avait peu de connaissances et de modèles au Québec et au Canada. Nous avons fait un voyage en Californie, et ç’a été une révélation », raconte-t-il.

Pour cultiver bio, il faut toutefois une grande tolérance au risque. « On travaille avec la nature, et c’est beaucoup de prévention. »

Marcher dans une rangée de légumes mal en point, ça te vire le cœur à l’envers !

Denis Desgroseilliers

Les imprévus et les défis font partie du quotidien des maraîchers biologiques. « Mais chaque fois, on trouve des solutions. »

L’ensemble des pépins résolus forme un bagage précieux. Denis nous cite en exemple un lot de semences de brocoli qui avait été infesté à l’été 2018.

Découragés, les Desgroseilliers ont songé à abandonner la culture du légume qui fait leur marque aujourd’hui. Mais finalement, ils ont entamé un projet de recherche avec un chercheur en phytopathologie du consortium PRISME (regroupement de producteurs maraîchers et de professionnels). Ce dernier avait développé du testage d’échantillons de semence avec un appareil de type PCR.

Des défis et des idées pour l’avenir

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Denis Desgroseilliers

Quand le père de Denis, Marcel Desgroseilliers, a étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec à Saint-Hyacinthe dans les années 1970, il était à la fois un rebelle et un grano quand il rêvait de culture biologique.

« C’était par choix et par conviction, mais il fallait demeurer réaliste », expose-t-il.

Son fils a les mêmes valeurs. Il faut tendre vers un idéal, mais il faut aussi être rentable. « Dans les premières années, les bilans financiers étaient dans le rouge foncé », raconte-t-il.

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Pour les Montréalais, les produits des Jardins Purdélys répondent à la définition de « manger local »,
puisque les terres sont à peine à 15 kilomètres du pont Mercier.

« J’ai plein d’amis qui ont des fermes de petite envergure, mais il y a une charge de travail inouïe. »

Pour Denis, l’avenir est dans le regroupement de fermes et dans le développement de technologies automatisées qui peuvent pallier le manque de main-d’œuvre. « Se regrouper permet du volume », expose-t-il.

S’il y a un engouement pour les produits biologiques, souligne-t-il, c’est un marché qui reste encore très limité, soit entre 2 et 3 % du volume. « C’est en croissance, mais cela demeure une niche. »

Il arrive souvent par ailleurs qu’il écoule des légumes biologiques dans le « conventionnel ». Et la concurrence est forte avec les produits de Californie qui ne rémunère pas ses travailleurs aussi bien qu’au Canada.

Denis Desgroseilliers insiste toutefois sur un point : plus on cultive bio, moins on peut revenir en arrière.

Consultez le site des Jardins Purdélys