S’il existe aujourd’hui un très grand choix de bières sans alcool et que les spiritueux du même genre sont de plus en plus nombreux, le marché des vins et des bulles sans alcool reste encore peu exploité. Trouver des produits de qualité, de bon goût et qui ne sont pas bourrés de sucre reste un défi de taille.
« Les vins sans alcool, c’est généralement du mauvais vin rendu encore plus mauvais, desquels on enlève l’alcool en utilisant un processus industriel qui fait qu’on perd aussi l’équilibre, les textures et la structure du vin », croit Charlie Friedmann, à la tête de la marque Proxies pour l’entreprise canadienne Acid League.
Fondée en 2019 dans la région de Toronto, Acid League s’est d’abord fait connaître avec ses vinaigres crus, fermentés et non filtrés. C’est tout naturellement que les quatre fondateurs se sont intéressés aux vins sans alcool, y voyant une occasion « de faire quelque chose de plus intéressant, plus moderne et qui aurait sa place à la table des restaurants ». Bref, faire « plus » au lieu de faire « sans », résume M. Friedmann.
Comment ? En créant un produit totalement nouveau, vendu dans une bouteille attrayante, dont les robes chatoyantes rappellent celles du vin et qui emprunte certaines techniques au monde viticole… sans être du vin à proprement parler.
À l’intérieur des jolies bouteilles se trouvent des assemblages de jus de raisins non fermentés (chardonnay, pinot noir, sauvignon…), de verjus (jus acide extrait de raisins immatures, fourni par un vignoble de Niagara) et des aromates comme des racines, des herbes, des épices, travaillées avec différentes techniques (infusion à chaud, à froid, amers…).
Le goût ? Ne vous attendez pas à du vin. Ces jus au nez parfumé surprennent à la dégustation. C’est épicé, floral, herbacé, vinaigré. Certains adoreront, d’autres seront déstabilisés, mais une chose est certaine : on marche ici dans de nouveaux sentiers.
Pour mener à bien leur projet, les fondateurs de l’entreprise ont fait appel au vigneron d’expérience Devin Campbell. Le processus de fabrication, même s’il n’implique pas de fermentation, est similaire à celui du vin en ce qu’il requiert assemblages, dégustations et ajustements pour chaque cuvée. D’ailleurs, en plus de sa gamme habituelle, Proxies propose des éditions limitées chaque mois, qu’on peut acheter en s’inscrivant à son « club ». En janvier, c’est une toute première collaboration avec le chef Sean Brock qui est à l’honneur.
« Notre but n’est pas de recréer les saveurs d’un vin spécifique, mais de nous inspirer de ce qui fait qu’un vin est un bon accord avec la nourriture, en proposant des produits qui ont de la profondeur, des saveurs, de la texture, de l’équilibre… tout ce qui manque dans les vins sans alcool, bref ! », lance en riant le Montréalais d’origine.
Un marché qui s’éveille
« Quand j’ai arrêté de boire, il y a quatre ans, il y avait peu de produits sans alcool, dont quelques vins douteux à l’épicerie », se remémore Marilou Lapointe, fondatrice de la plateforme en ligne Apéro à zéro. Lancée en novembre 2020, la plateforme en ligne — à laquelle s’ajoute une boutique éphémère au Local Espace Collaboratif — connaît un grand succès, au Québec et au Canada.
Une personne sur cinq ne boit pas, pour diverses raisons : grossesse, médication, santé mentale, problème de consommation… Avec Apéro à zéro, je voulais offrir des produits sans alcool de qualité et contribuer à briser le stigma autour de la sobriété.
Marilou Lapointe, fondatrice d’Apéro à zéro
« Il y a eu une véritable explosion des produits sans alcool, mais le marché des vins est celui qui a le plus à être amélioré », ajoute-t-elle. Mais les choses changent peu à peu. La propriétaire prend l’exemple du mousseux rosé French Bloom, fabriqué à partir de raisins biologiques, 100 % naturel et sans sucre ajouté.
« Il est plus cher, mais les gens sont prêts à payer ce prix », constate celle qui désire désormais se concentrer davantage sur le marché des vins et des bulles sans alcool. « C’est la catégorie la plus recherchée dans la boutique. J’ai plusieurs nouveautés en chemin », indique-t-elle, comme les produits Noughty et Oddbird, très populaires aux États-Unis.
Élégance à table
C’est en voulant trouver des options sans alcool intéressantes à table que Genna Woolston et Andrew Roberts, un couple d’Ottawa, ont eu l’idée de développer un kombucha haut de gamme présenté dans une élégante bouteille de champagne. « Nous avons pensé au kombucha, car c’est déjà un produit fermenté, avec des notes auxquelles on peut s’attendre dans un vin ou une bulle », explique Mme Woolston, ajoutant que son conjoint, scientifique agroalimentaire, avait déjà de l’expérience dans le mélange de thés.
Et comment élever cette boisson pétillante vers de nouveaux cieux ? En retournant à la source, avec une matière première de haute qualité : le thé Silver Swallow. Ce thé blanc, « le plus primé de Chine », est très équilibré, avec des notes mielleuses, herbacées et fleuries, détaille Mme Woolston.
Et même s’il y a un peu de fruits de la passion pour ajouter une touche fruitée subtile dans le Silver Swallow — offert depuis peu sur le marché québécois, tandis qu’un rosé s’en vient au printemps —, le produit n’est pas aromatisé, ce qui en fait une boisson parfaite pour accompagner un repas ou pour faire des cocktails sans alcool (mocktails). À la dégustation, le produit charme instantanément avec ses fines bulles et son délicat goût de thé.
On retrouve sur le marché surtout des kombuchas aux saveurs fruitées et intenses, pas l’idéal pour des accords à table. Pour cette raison, l’entreprise montréalaise Club Kombucha a travaillé avec le raisin pour les dernières éditions limitées de sa série Club Sélect, qui est proposée dans de belles bouteilles en verre.
Julien Niquet, frère de Claudie Gravel-Niquet, la fondatrice de Club Kombucha, est le propriétaire du jeune vignoble Joy Hill, en Estrie. Il a fourni les marcs de raisins gamay et chardonnay, résidus secs du pressurage des fruits, pour macérer la culture du kombucha. Du jus de raisin rouge et vert de l’entreprise Loop a aussi été utilisé, explique Ariane Legault Michaud, directrice générale par intérim.
Le résultat : Club Sélect Chardonnay et Club Sélect Gamay, deux kombuchas au goût subtil et délicat. Malheureusement, ce premier essai n’a pas tout à fait été concluant puisque les bouteilles, surcarbonatées, subissaient trop de pression, ce qui a forcé l’entreprise montréalaise à retirer les produits du marché, quelques jours après leur lancement.
Mais ce n’est que partie remise, assure Mme Legault Michaud. « On s’attend à le refaire l’an prochain en version 2,0 améliorée. » Une nouvelle cuvée Club Sélect, à l’esprit plus estival, devrait arriver avec les beaux jours. En attendant, durant le Défi 28 jours, on peut notamment goûter à la nouveauté (en cannette) au fruit de la passion ou se procurer la cuvée Club Kombucha Rhubarbe & Cassis, offerte chez Lufa.
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