(Paris) Au bout d’une heure et quart d’atelier virtuel, les bocaux de radis sont rangés, la rhubarbe fermente et le bouillon de printemps est stérilisé : la gastronomie faite maison est le nouveau luxe des Français.

Les conserves ne sont plus une affaire de grand-mère, on concocte dans sa cuisine une tarte aux oignons pour accompagner un grand champagne ou un lapin-épinard aux notes exotiques. Guidés par les chefs dans des formats inédits sur Zoom ou en audio, les amateurs prennent leur temps et repoussent leurs limites culinaires.

« Le confinement a clairement joué un rôle. Il y a un engouement pour les conserves, c’est une solution optimale quand on veut respecter les saisons et élargir son éventail de produits disponibles tout au long de l’année », explique à l’AFP le chef Maxime Bertrand, qui a animé fin mai le premier d’une série des ateliers « conserves », gratuits et en ligne.

Dans ce contexte, faire son pain ou préparer ses tomates pour l’hiver, même si on n’a pas de potager, n’est plus anecdotique.

Zéro gaspillage

L’objectif de Maxime Bertrand est de dissiper les craintes et enseigner différents types de conservation avec des recettes originales et anti-gaspillage.

Les fanes des carottes du bouillon et celles des radis parfument le velouté des petits pois à la menthe. Les tiges de menthe et de fenouil rafraichissent les fraises au sirop.

La vente de bocaux s’est accélérée pendant le confinement, souligne Jérôme Kieffer, directeur marketing et commercial de Le Parfait, marque de bocaux en verre créée dans les années 1830 à Reims et aujourd’hui détenue par le groupe américain Owens, à l’origine de ces ateliers.

L’« autonomie » alimentaire est souvent invoquée pour les adeptes des conserves maison, mais les ateliers d’aujourd’hui répondent aussi au besoin de savoir : « D’où vient ce que je mange ? ».

« Il y a des gens qui se sont rendu compte qu’ils devaient mieux veiller à leur alimentation » et contrôler la provenance, souligne Jérôme Kieffer. La congélation qui paraîtrait plus simple pour préserver les surplus « consomme beaucoup plus d’énergie, tout le temps ».

Oignon et champagne

« Il y a une vraie mouvance écologique » qui encourage ces pratiques « même si on n’est pas passionné de cuisine et qu’on n’a pas forcément le temps », estime le chef Maxime Bertrand. Lors des prochains ateliers, il enseignera la fabrication du levain pour le pain, la sauce « façon soja » avec du marc de café et des parures des légumes, ou encore des apéritifs en bocaux.

La maison Krug, qui organise des repas imaginés par de grands chefs autour d’un ingrédient « star » mais basique pour sublimer son champagne, a fait enfiler un tablier à ses convives.

Sa dégustation connectée en mai a été organisée pour la première fois sous forme de classe de maître animée par le chef étoilé Sylvain Sendra autour des oignons de Roscoff.

On pleure en coupant les oignons, on s’imprègne d’odeurs en les faisant compoter avant de garnir la tarte. Les bulles se méritent.

Le chef David Gallienne, une étoile Michelin et gagnant 2020 de la très populaire émission Top Chef, s’est employé à faire redécouvrir le lapin et les épinards aux Français.

Près d’une centaine de personnes ont cuisiné en direct avec lui le lapin « fafa », façon tahitienne, avec citronnelle et lait de coco.

Ralentir

Les formats pour promouvoir la gastronomie qui se sont développés pendant la crise de la COVID-19 jouent avec l’envie de ralentir.

La plateforme sur abonnement Becs Sucrés, lancée l’hiver passé, propose des films qui durent plus d’une heure : explication de la démarche créative des pâtissiers, puis la recette.

« Ce confinement nous a appris à s’occuper un peu plus de nous. C’est une opportunité pour ralentir, prendre une quarantaine de minutes pour cuisiner et faire plaisir à plein de gens autour de nous, cela peut être quelque chose d’innovant », déclare à l’AFP le chef doublement étoilé Thierry Marx, qui lance fin juin une série de recettes en podcast Sound Chef sur Audible Original.