Les jours raccourcissent, la pandémie s’allonge, l’énergie s’épuise. Plus que jamais, un petit remontant coloré reste le bienvenu. Ça tombe bien. Les boissons froides à base de yerba maté, une plante sud-américaine connue pour ses propriétés stimulantes, se multiplient. Concoctées par des entrepreneurs d’ici carburant au « fruit de la passion », lancées par le grand Guru local des boissons énergisantes ou importées d’ailleurs, elles tâchent à la fois d’exploiter les vertus du maté et de développer des recettes fruitées adoucissant le côté rêche de l’infusion traditionnelle.

Mateína, une bonne piste

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Nicolas Beaupré, fondateur de Mateína

Tout est parti d’une pente de ski. En 2015, Nicolas Beaupré, féru de langues étrangères, part s’immerger dans la cordillère des Andes comme moniteur sur les pistes. Il y découvre les infusions de maté, hyperpopulaires en Argentine. « Je trouvais ça étrange au départ, puis j’ai commencé à en consommer tous les jours. Cela procurait une énergie soutenue et des effets cognitifs super balancés », rapporte-t-il. Emballé, il en ramène au Québec plusieurs kilos et constate que s’en procurer localement est peu aisé. Il se lance alors tout schuss en fondant sa propre marque, prospectant dans le Nord argentin, où il rencontre LA famille d’agriculteurs biologiques idéale, pratiquant le séchage sans fumée.

Sous la marque de commerce équitable Mateína, il vend d’abord les feuilles broyées traditionnelles à infuser dans l’eau chaude avec une calebasse et une bombilla (paille en métal). « Parallèlement, j’ai longuement travaillé avant de lancer l’an passé une version prête à boire, une porte d’entrée dans le monde du maté », explique M. Beaupré.

Dans ces canettes colorées faites au Québec, certifiées biologiques et équitables, on trouve une infusion de base agrémentée d’un extrait de maté, de sucre de canne et de jus de fruits. Au menu : citron, passion, baies-hibiscus ou pamplemousse-goyave, qui a cartonné l’été dernier. Un nouveau parfum sera lancé en décembre.

Distribuées dans 650 points de vente au Québec et vendues en ligne, les boissons Mateína partent aussi à l’assaut de la Colombie-Britannique et de la France. « On veut créer un échange culturel et offrir le plus de manières possibles de consommer le produit, sans le dénaturer », conclut l’entrepreneur.

Mate Libre, de la cuisine à la tablette

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Édouard Dufour-Boiteau, fondateur de Mate Libre

Si le maté est très consommé en Amérique du Sud, l’Allemagne constitue un foyer des boissons énergisantes à base de cette plante, dont le fameux Club-Mate (voir ci-après). C’est d’ailleurs lors d’un séjour à Berlin qu’Édouard Dufour-Boiteau les a découvertes, avant de songer à mettre au point sa propre recette au Québec. « J’ai vraiment trippé avec ça, et comme j’adore l’alimentation naturelle, je me suis demandé si j’étais capable de faire quelque chose à la fois bon et qui respecte mes valeurs », indique-t-il. Plutôt que de se tourner vers un laboratoire, il fait de son appartement le noyau du développement. « On n’a pas fait affaire avec un labo externe, et il n’y a aucun ingrédient que je n’ai pas dans ma cuisine. On n’utilise pas d’extrait de maté, pas d’arômes naturels, ni d’acide citrique. Tout est à base d’infusion, d’eaux distillées et d’essences de fruit », précise l’entrepreneur.

Rapidement, un nom émerge : Mate Libre. Après plusieurs années d’essais et d’erreurs, en 2019, il se lance à l’assaut du marché, avec une recette originale (orange, citron et thé) et une version rose-hibiscus. Suivront les parfums menthe-lime et passion, proposés depuis peu.

Les feuilles sont importées du Brésil, en commerce bio et équitable, les boissons sont préparées au Québec et les livraisons dans le Grand Montréal se font en toute carboneutralité. Distribués dans divers points de vente de la province, les produits sont également vendus en ligne.

Mate Libre vise une clientèle très large, suggérant aussi des recettes de cocktails (comme le Mate Spritz, à base d’Apérol, de mousseux et de Mate Libre rose-hibiscus) et, incessamment, de mocktails.

Mana, l’énergie créatrice

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La jeune microcompagnie Thé à boire, opérée par Arnaud Boire-Brouillette, Jean-Olivier Campion, Jonathan Tremblay et Jean-Philippe Bouchard, vient tout juste de produire ses premiers litres de Mana, aromatisés au pamplemousse.

Signe que les boissons à base de yerba maté sont dans le vent au Québec, la jeune microentreprise Thé à boire vient tout juste de produire ses premiers litres de Mana, aromatisés au pamplemousse. Derrière cette canette au design jovial se cache un quatuor trempant dans le milieu de la restauration et des bars. Notamment Arnaud Boire-Brouillette qui, derrière le comptoir de la taverne Midway où il officie, apportait régulièrement de petites décoctions maison à base de yerba maté et de pamplemousse, histoire de tenir jusqu’à la fermeture. « Plutôt que des cafés ou de grosses boissons de style Monster, ces infusions permettent d’avoir une énergie plus stable, agréable, sans la rechute une fois l’effet passé », explique-t-il.

Ses trois acolytes (Jean-Olivier Campion, Jean-Philippe Bouchard et Jonathan Tremblay) et lui ont mis au point une version en canette actuellement vendue en ligne et sur quelques tablettes locales. Ils ont fait particulièrement attention à l’arôme naturel de pamplemousse, élisant celui s’approchant le plus de la recette originale.

Parlant d’approche, la petite troupe cherche aussi à séduire une certaine clientèle. « Les boissons énergisantes sont souvent orientées vers les sports extrêmes ou ce genre d’activités, mais nous souhaitons plutôt cibler les créatifs et les penseurs, leur offrir une vitrine. C’est pourquoi nous l’avons appelée Mana, c’est une énergie qui prédispose au travail de création », avance Jean-Olivier Campion, coentrepreneur et également employé du Midway. Un illustrateur a ainsi été appelé à signer le design coloré des canettes.

Là encore, c’est certifié bio et fabriqué au Québec, les feuilles provenant d’Argentine étant séchées à l’air. Thé à boire vise l’écoulement de 60 000 canettes d’ici 2021, et pourrait bien mettre au point de nouveaux parfums ou de nouvelles boissons à base d’autres plantes, comme certains thés, si ce premier essai s’avère fructueux.

Guru, le bonbon exotique

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Carl Goyette, PDG de Guru. Notez que la canette qu’il tient en main n’est pas celle au maté.

Lancée début novembre, la nouvelle boisson énergisante signée par la québécoise Guru a été dévoilée sur les plateaux d’Occupation double. Après le matcha testé l’an passé, c’est au tour du très tendance maté d’être intégré dans une nouvelle recette. Cette fois, ce sont les accents tropicaux que l’on a voulu développer. « On est allés chercher des goûts associés à l’Amérique du Sud, avec la baie d’açai et la menthe, qui amènent un côté exotique et fruité sans avoir le goût très prononcé du maté », a expliqué à La Presse Carl Goyette, président de Guru, lors du lancement du produit. L’idée était aussi de rester dans la même lignée de plantes aux propriétés antioxydantes et énergisantes, après le matcha et le guarana.

On retrouve aussi dans cette nouvelle version certifiée biologique le thé vert, le guarana, le fruit du moine et le stévia. La recette est le fruit des expériences de Luc Martin-Privat, disposant d’une formation en pharmacologie et actuellement « druide » de Guru. Le produit est fabriqué au Québec. Côté distribution, nous sommes loin des productions artisanales lancées ces derniers temps, puisque l’entreprise cotée en Bourse peut compter sur 15 000 points de vente au Canada et aux États-Unis, en plus de la vente en ligne et sur Amazon.

Club-Mate, le clin d’œil

PHOTO MAXIM BIELUSHKIN, WIKIMEDIA COMMONS

Le Club-Mate est importé au Canada par Sharky Beverage, mais les petites quantités et la distribution en font plutôt l’affaire des puristes et des nostalgiques.

Les boissons rafraîchissantes à base de maté commencent à faire leur nid au Québec, mais il ne faudrait pas oublier les pionniers. Le Club-Mate constitue sans conteste le père de toutes ces nouvelles recettes. Développé en Allemagne en 1924, très présent depuis de longues années dans les milieux underground, sur la scène électro et parmi les pirates informatiques, il n’a pas laissé indifférents les Québécois qui y ont goûté.

C’est le cas de Simon Mailloux et Kim Maurice, qui importent du Club-Mate depuis 2011 au Canada et au Québec… au compte-gouttes. « On s’est dit que ce serait le fun d’en avoir à Montréal. On commande chaque année une palette ou deux et on les distribue dans quelques endroits. Ce n’est pas un trip de faire de l’argent, mais une passion pour cette boisson, c’est relié à une culture. Ça revient assez cher, alors c’est plus pour se gâter », dit Kim Maurice, graphiste de profession et représentante aux ventes de la marque, qui a découvert le Club-Mate à Berlin il y a six ans. Bref, cela s’adresse plutôt aux puristes et aux nostalgiques.

Des versions à la cardamome et au cola se sont ajoutées à la recette originale qui, elle aussi, verse dans les ingrédients naturels et équitables.

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La théobromine pour avoir meilleure mine

Les boissons au maté sont certes caféinées, mais la présence de théobromine, également contenue dans la plante, vient brouiller les cartes. Ce composé régule l’absorption de la caféine par le corps et permet de procurer l’effet énergisant sans les inconvénients associés à cette dernière (excitation, chute brutale d’énergie). Cependant, il faudra tout de même surveiller la quantité consommée quotidiennement. Notez aussi qu’elles sont déconseillées aux enfants.

Quel goût ont-elles ?

Mateína (pamplemousse-goyave)

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Ceux qui préfèrent une boisson non gazéifiée se tourneront vers Mateína. Les autres parfums, citron, passion et baies-hibiscus, méritent aussi le coup d’œil.

• 130 mg de caféine pour 355 ml

• 8 g de sucre pour 355 ml

• 42 $ la caisse de 12 x 355 ml

La saveur de ce produit, le plus populaire de la marque, présente des arômes agréables sans être exubérants, rappelant le thé glacé aux agrumes. Le sucre est peu présent, et le pari d’une boisson non gazéifiée a été pris, ce qui rend la sensation douce en bouche. Le goût de yerba maté reste assez discret.

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Mate Libre (original à l’orange, au citron et au thé)

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le Mate Libre original nous a paru très équilibré. Il recourt à une infusion de base, mais n’utilise pas d’extrait de maté, ce qui lui confère le taux de caféine le plus bas parmi les boissons testées. Là aussi, les trois autres parfums sont séduisants : rose-hibiscus, menthe-lime, et passion.

• 45 mg de caféine pour 250 ml (soit 63,9 mg pour 355 ml)

• 11 g de sucre pour 250 ml (soit 15,6 g pour 355 ml)

• 36 $ la caisse de 12 x 250 ml

Avec une franche et guillerette effervescence, elle ouvre sur des saveurs marquées rappelant nettement le thé Earl Grey et la bergamote. En arrière-plan, on décèle aussi le goût caractéristique de yerba maté. Le sucre est présent sans être lourdingue, laissant une agréable finale miel-orange en bouche.

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Mana Pamplemousse de Thé à boire

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

On a aimé la belle amertume qui fait honneur au maté traditionnel, l’arôme de pamplemousse convaincant et la mousse qui rappelle celle d’une bière.

• 120 mg de caféine pour 355 ml

• 13 g de sucre pour 355 ml

• 37 $ la caisse de 12 x 355 ml

S’invitent au palais une effervescence douce et mousseuse ainsi qu’un bel arôme de pamplemousse, tranchant, persistant et légèrement amer. Une amertume qui coïncide avec celle du maté, dont on perçoit la saveur en arrière-plan, proche de la bergamote. Le sucre n’est pas trop présent et contrebalance bien le côté amer.

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Guru Yerba Mate

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Cette nouvelle version de Guru cherche plutôt à exploiter les propriétés du maté que son goût amer, quasi imperceptible et effacé au profit des accents de citron, de menthe et de baies tropicales.

• 142 mg de caféine pour 355 ml

• 4 g de sucre pour 355 ml

• 63 $ la caisse de 24 x 355 ml

Elle est peu sucrée, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un goût de bonbon aux saveurs nettement tropicales, enrobées de francs arômes de citron et de menthe. L’effervescence est fine et pimpante. La finale persistante laisse une impression de fraîcheur, mais aussi une petite sècheresse en bouche, probablement due au stévia. Le goût de yerba maté, lui, est quasi absent.

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