Je ne suis pas certaine d'aimer le couloir d'activités des commanditaires du festival des FrancoFolies, le long de la rue Sainte-Catherine Ouest. On est loin de l'image romantique que je me fais des festivals de musique populaire, avec des chanteurs à guitare sèche ou des flutistes nu-pieds aux carrefours, rivalisant de charme avec le rock'n'roll ou les ballades douces d'orchestres plus costauds installés sur leurs grandes scènes et enivrant les foules.

Si bien que le week-end dernier, quand j'ai réussi à m'extirper de cet univers plus tonitruant que mélodique de pubs de voitures et de cellulaires pour arriver chez Blumenthal, juste à l'ouest de la grande place des Festivals, j'ai eu l'impression d'arriver dans un havre de calme.

Pourquoi le restaurant n'était-il pas plein alors que les festivités battaient leur plein? Je ne le comprends pas trop. Parce que c'est une bonne nouvelle adresse qui habite maintenant en plein coeur du Quartier des spectacles, une de celles à mettre bien haut sur la liste des restaurants à fréquenter avant ou après une pièce ou un concert, à côté d'autres établissements toujours fidèles au poste comme le F ou le Bistro Accord, eux aussi à deux pas de l'action.

Le Blumenthal s'appelle ainsi parce que c'était le nom du fabricant et de la boutique de vêtements pour hommes installée jadis dans cet immeuble à l'angle des rues Sainte-Catherine Ouest et de Bleury, bien avant que le Balmoral s'y installe puis cède sa place à son tour, en endroit qui abrite maintenant la Maison des festivals, où l'on retrouve notamment une salle de spectacle. D'ailleurs, les profits du restaurant sont réinvestis dans des activités culturelles de l'institution.

Le lieu aménagé par les Gauley Brothers - qui signent aussi le Foigwa et le Birdbar - se donne des airs de brasserie verte, avec des lierres - malheureusement artificiels - qui couvrent le plafond et tombent nonchalamment dans le vide pour meubler l'espace vertigineux, des chaises noires joliment dépareillées et des tabourets de velours vert bouteille le long du bar. Des chandeliers qui pourraient faire les figurants dans La Belle et la Bête s'allument le soir tombé, et de grandes portes-fenêtres s'ouvrent vers la place des Festivals et une terrasse. On y est donc géographiquement près de l'action, mais pas trop. Et mentalement, sur un autre rythme.

Le menu du chef Rémi Brunelle ne bat pas de concours de créativité: tartare, hamburger, steak-frites et compagnie. Mais n'y a-t-il pas toujours de la place dans nos vies pour certains classiques comme, par exemple, une salade caprese bien faite? Et celle du Blumenthal est impeccable. Les tomates ancestrales rouges et jaunes sont fraîches et douces, la mozzarella de bufflonne fond dans la bouche, tendre et juste assez crémeuse, un brin acidulée. On a l'impression de mordre dans du lait frais. Un peu de basilic bien parfumé sur tout ça, quelques pousses de roquette printanière, de l'huile de bonne qualité, du balsamique et hop! on a envie de finir le plat en buvant le jus au fond de l'assiette ou, mieux encore, d'y tremper du pain.

Même chose pour la salade d'endives, au Bleu d'Élizabeth, une pâte québécoise de lait de vache cru, venu de Sainte-Élizabeth-de-Warwick. Même si on s'attend aux noix de Grenoble et aux petites tranches de raisins verts ou rouges, force est de constater que le tout s'agence, autant les amertumes que le sucre, le croquant frais (de l'endive) ou le gras des noix. Et la présentation est jolie avec les endives pourpres.

En plat principal, un demi-poulet de Cornouailles grillé arrive tout tranquillement à table, déposé sur une purée aux herbes, avec quelques asperges et des haricots verts al dente, côtoyés par des crosses de fougères tardives. Un plat roboratif, sauce barbecue maison incluse, pour amateurs de valeurs sûres. Le tartare de saumon joue aussi en terrain connu, mais on l'accompagne de raifort râpé, d'une petite salade de concombre et de radis, et d'une purée d'avocat. Le plus? Les chips de bagels grillés, surtout les morceaux avec des grains de sésame, qui se marient particulièrement bien à la douceur charnue du saumon, même si d'aucuns trouveront peut-être qu'il est trop ponctué d'oignon cru.

Au dessert, la crème brûlée est peut-être l'exception créative du menu. Ici, on la prépare avec des lactaires, ces champignons connus comme «candy cap» en anglais parce qu'ils ont une saveur qui rappelle celle de l'érable. En crème brûlée, on apprécie leur parfum inhabituel, aisément enrobé par l'onctuosité de la richissime préparation aux oeufs et au sucre caramélisé. La tarte aux fruits de la passion, elle, surprend dans ce menu autrement friand d'ingrédients locaux. Mais ceux qui aiment les tartes au citron sur fond de biscuit Graham apprécieront cette variante tropicale avec une fine meringue. Un classique sucré et acidulé. Parfois, il n'en faut pas plus pour être content.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le lieu aménagé par les Gauley Brothers - qui signent aussi le Foigwa et le Birdbar - se donne des airs de brasserie verte, avec des lierres - malheureusement artificiels - qui couvrent le plafond et tombent nonchalamment dans le vide pour meubler l'espace vertigineux, des chaises noires joliment dépareillées et des tabourets de velours vert bouteille le long du bar.

Le Blumenthal. 305, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal. 514 288-5992. leblumenthal.ca

Notre verdict

Prix: Entrées entre 6 et 17 $. Plats entre 17 et 29 $. Desserts 7 $.

Vins: Jolie carte soignée, avec des vins de tous les types et tous les prix, donc on y trouvera autant un vin orange bio italien ou un chardonnay californien de Fess Parker qu'un grand Barolo.

Service: Professionnel et attentionné, étonnamment disponible dans une salle tout aussi étonnamment peu bondée en plein festival.

Atmosphère: Le calme à côté de la tempête, joli décor, surtout quand on allume les bougies et qu'une ambiance romantique s'installe. On peut aisément manger seul au bar.

Plus: Les plats pas compliqués juste bien faits

Moins: Dommage que les lierres soient artificiels...

On y retourne? Bien sûr, pour un plat «valeur sûre» avant ou après un spectacle.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La salade d'endives, au Bleu d'Élizabeth. Même si on s'attend aux noix de Grenoble et aux petites tranches de raisins verts ou rouges, force est de constater que le tout s'agence, autant les amertumes que le sucre, le croquant frais (de l'endive) ou le gras des noix. Et la présentation est jolie avec les endives pourpres.