Fin décembre 1973, un manuscrit, sorti sous le manteau d'URSS et publié pour la première fois à Paris, secoue le monde littéraire. Le titre : L'Archipel du Goulag. L'auteur, Alexandre Soljenitsyne, déjà célèbre comme  Prix Nobel depuis 1970, y dénonce le stalinisme et les camps de travail à la soviétique (goulag) qui auraient fait de deux à trois millions de morts.

Si l'écrivain parle d'archipel, c'est pour illustrer la multiplication de ces camps de travaux forcés et de morts et leur  nombre effarant, disséminés dans tout le pays.

Soljenitsyne est le premier à en parler de façon aussi détaillée. Leur existence devient irréfutable. L'auteur est chassé d'URSS et devient, bien malgré lui, une star médiatique. Il se réfugie d'abord en Suisse, puis dans le Vermont, aux États-Unis.

En résumé, la biographie de l'écrivain nous apprend qu'Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne est né le 11 décembre 1918, à Kislovodsh, une ville thermale du Caucase, en Russie.

Après des études en mathématiques et en philosophie, il se bat comme artilleur dans l'armée Rouge, en 1941, lors de l'invasion de son pays par l'Allemagne d'Hitler.

Il écrit déjà et sa corrrespondance est très critique à l'endroit de la politique de Staline. Le dictateur soviétique le fait  condamner dès 1945 à huit ans de camp de travail (goulag). En 1962, Krouchtchev autorise la publication d'Une journée d'Ivan Denissovitch, mais à partir de 1965, tous ses écrits sont interdits en Union soviétique.

Ses autres oeuvres majeures (Le premier cercle et Le pavillon des cancéreux) sont exportées clandestinement et traduites en langues étrangères. La publication, au Seuil, à Paris, de L'Archipel du Goulag  lui vaudra, outre l'expulsion de son pays, d'être déchu de la citoyenneté soviétique.

Alexandre Soljenitsyne vivra 20 ans aux États-Unis où il a achevé la rédaction de sa gigantesque fresque historique La roue rouge. Il regagne sa patrie en mai 1994. Il s'installe à Moscou où il est mort en 2008.

Fêté en Occident et accueilli par les Américains, l'intellectuel n'en perd pas pour autant son quant à soi. Il est tout aussi critique à l'endroit du capitalisme à l'américaine qu'il l'était à l'égard du stalinisme. Devant le gratin des professeurs et des étudiants de Harvard, il dénonce le chaos idéologique des Occidentaux, de même que la musique populaire et le manque de morale des Américains.

Des intellectuels de droite comme de gauche lui reprocheront de n'être le citoyen que d'un pays inexistant, c'est-à-à-dire d'une Russie mythique, imaginaire, passéiste et obscurantiste. Certains l'accusent même d'antisémitisme.

Pour en revenir à L'Archipel du Goulag, il est intéressant de savoir qu'il a été écrit après les années de goulag, alors que l'écrivain vivait en résidence surveillée. Le livre qui fait en tout trois tomes a été écrit sur des petits bouts de papier cachés dans des jardins de voisins et d'amis pour le sauver des descentes du KGP. La saisie d'une copie par la police secrète, décidera l'écrivain de faire publier le livre en France grâce à des contacts.

L'écrivain est incontestable. L'homme Soljenitsyne demeure une énigme.