L'Union des producteurs agricoles (UPA) a pressé le gouvernement Legault d'adopter un « plan vert » sur les pesticides, hier, dans la foulée d'un rapport qui montre que ces produits polluent de plus en plus les cours d'eau québécois.

« Les choses ne changeront pas miraculeusement, a résumé le président de l'UPA, Marcel Groleau. Ça prend des interventions, ça prend de la recherche, ça prend de l'accompagnement des producteurs et ça prend des budgets qui vont soutenir les producteurs dans les bonnes pratiques, parce que ces bonnes pratiques ne sont pas toujours rémunérées par le marché. »

Dans un rapport publié sans tambour ni trompette la semaine dernière, le ministère de l'Environnement a dressé un constat inquiétant de la qualité de l'eau d'une vingtaine de rivières en territoire agricole.

Le constat est particulièrement accablant sur la présence de néonicotinoïdes. Ces produits sont utilisés pour enrober les semences de presque tout le maïs cultivé au Québec et de la moitié du soya. Ils sont soupçonnés d'être à l'origine de l'important déclin des populations d'insectes pollinisateurs, comme les abeilles.

Les scientifiques ont suivi quatre rivières de manière plus étroite, soit la Chiboulet, la Saint-Régis, la Saint-Zéphirin et celle des Hurons. Dans chaque cas, ils y ont observé des concentrations supérieures aux normes de protection de la vie aquatique.

« Au cours des trois dernières années, les critères de qualité de l'eau sont dépassés dans 90 % et 100 % des échantillons. Les dépassements sont principalement attribuables à la présence des insecticides néonicotinoïodes » peut-on lire dans le document Portrait et tendances dans les zones de maïs et de soya - 2015-2017, du ministère de l'Environnement.

Le rapport confirme aussi une « tendance significative à la hausse » des concentrations de l'herbicide glyphosate - mieux connu sous le nom commercial de Roundup -, dont l'impact sur la santé humaine a été mis en cause au cours des derniers mois.

Un « plan vert »

Selon Marcel Groleau, cette étude prouve que Québec doit agir. Depuis plusieurs mois, il propose un « plan vert » qui permettrait à ses membres de réduire le recours aux pesticides ainsi que leurs émissions de gaz à effet de serre.

Si autant d'agriculteurs utilisent des pesticides, a-t-il dit, c'est parce qu'il s'agit d'un moyen efficace d'améliorer le rendement de leur terre. S'ils y renoncent et que leur production décroît, rien ne compensera la perte de leurs revenus.

Les producteurs ont pourtant une réelle préoccupation face à l'utilisation croissante des pesticides, poursuit-il. Aucun d'entre eux n'ignore leur impact sur les populations d'insectes, sans compter les révélations quant aux risques sur la santé humaine.

« Pour réagir à cette situation, il ne s'agit pas de paniquer. Il s'agit d'offrir des alternatives aux producteurs, de les accompagner davantage avec des services professionnels et d'assurer le transfert des connaissances. Les producteurs vont suivre. », explique M. Groleau.

L'UPA calcule qu'un plan de transition coûterait environ 60 millions par année sur 10 ans. Ce plan permettrait, entre autres, de financer la recherche sur les produits de rechange, de soutenir l'agriculture biologique et de compenser les producteurs qui adoptent des pratiques vertes. Le syndicat espère une annonce dans le prochain budget, le premier du gouvernement Legault.

L'an dernier, le gouvernement Couillard a restreint l'usage de cinq pesticides connus pour leurs effets néfastes sur la santé humaine et sur les pollinisateurs. Les agriculteurs doivent maintenant obtenir la prescription d'un agronome avant de les appliquer dans leurs champs.

Au cabinet du ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, on a fait valoir que la politique bioalimentaire répondait déjà à plusieurs préoccupations de l'UPA.

« Nous allons continuer de travailler, de concert avec notre homologue à l'environnement, pour que l'agriculture québécoise soit plus verte tout en répondant aux besoins de nos agriculteurs », a indiqué sa porte-parole, Laurence Voyzelle.