Devant l'accumulation des révélations sur des déversements illégaux de sols contaminés dans la nature, un regroupement de l'industrie des services environnementaux invite le gouvernement à envisager la création d'une « escouade verte » spécialisée en crimes écologiques au sein de la Sûreté du Québec.

« Depuis plusieurs mois, un réseau parallèle oeuvrant dans l'illégalité s'est établi dans la gestion des sols contaminés », déplore le Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ) dans un communiqué envoyé aujourd'hui.

« Le manque de surveillance contribue à un réseau secondaire de profiter financièrement de cette situation et cause ainsi un préjudice important à l'environnement et aux générations futures. Il faudrait envisager la création d'une escouade verte à la Sûreté du Québec », a lancé Richard Mimeau, le directeur général de l'organisme.

Difficile de suivre la trace

Le CETEQ réagissait au rapport de la Vérificatrice générale du Québec dévoilé hier, qui critiquait la mollesse de l'action gouvernementale en ce qui a trait aux 1900 terrains contaminés qui relèvent de la responsabilité de l'État québécois. Peu de terrains ont été réhabilités jusqu'ici et les sommes investies en décontamination sont insuffisantes, estime la vérificatrice.

Or, lorsque des terrains au Québec sont effectivement décontaminés, il est parfois difficile de savoir où atterrissent les sols qui y ont été excavés. La ministre de l'Environnement Isabelle Melançon annoncé la mise en place ces derniers mois de deux projets pilotes de traçabilité grâce à un logiciel pour suivre les chargements jusqu'à des centres de réception autorisés. Mais ce système n'en est qu'à ses balbutiements.

« En attendant l'implantation de ce système sur l'entièreté du territoire et des chantiers, et pour le supporter par la suite, le gouvernement se doit d'augmenter le nombre d'enquêteurs dédiés au contrôle et à la surveillance des terrains contaminés », réclame le CETEQ, dont les membres se targuent d'employer 15 000 travailleurs au Québec. 

Méfaits importants à l'environnement

La Presse révélait l'an dernier qu'une enquête criminelle de la SQ menée en partenariat avec le ministère de l'Environnement, le projet Naphtalène, a identifié une organisation criminelle qui a infiltré l'industrie de la décontamination et pris en charge les sols contaminés de plusieurs grands chantiers montréalais.

Le projet Naphtalène est piloté par la Division des enquêtes sur l'infiltration de l'économie à la Sûreté du Québec, et non par une unité spécialisée spécifiquement dans les crimes environnementaux.

« Les sols récupérés ne sont pas décontaminés, mais rapidement disposés dans des zones vierges, des terres agricoles ou des sites illégaux, causant ainsi des méfaits importants à l'environnement », peut-on lire dans un résumé de l'enquête rendu public à la suite des représentations des avocats de La Presse.

Des documents judiciaires révèlent notamment que les terrains pollués de l'ancienne usine Dominion Structural Steel et du Centre communautaire d'Outremont ont été jetés illégalement à la campagne.

Des propriétaires de terrains se retrouvent avec des propriétés entachées suite aux déversements. Un résidant de Sainte-Sophie déplorait ainsi que novembre dernier que sa maison soit devenue invendable parce qu'un entrepreneur avait contaminé son terrain

L'habitat naturel de plusieurs espèces est menacé par des déversements illégaux de sols contaminés au plomb, à l'arsenic et à l'essence, notamment aux abords de la rivière l'Achigan.Jusqu'à présent, le projet Naphtalène a mené à plusieurs perquisitions et à la saisie de plusieurs éléments de preuve depuis 2016, mais aucune accusation criminelle n'a été déposée.