Les agriculteurs sont en lutte contre le gouvernement Couillard afin de garder dans leur arsenal un pesticide controversé, réputé tueur d'abeilles. Ils pourraient réclamer des compensations se chiffrant à des dizaines de millions de dollars.

Les producteurs de grains s'opposent à un projet de règlement du ministère de l'Environnement, qui bannirait l'usage des néonicotinoïdes.

Cette catégorie de pesticides a défrayé la manchette au cours des dernières années parce qu'elle a été associée à la forte baisse de population des colonies d'abeilles. L'Union européenne a déjà donné le feu vert à l'interdiction de trois substances néonicotinoïdes.

Le projet de règlement du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a été publié le 19 juillet dernier pour une période de consultation qui s'est terminée la semaine dernière, en vue d'une entrée en vigueur en 2018.

Dans un mémoire déposé dans le cadre des consultations, la Fédération des producteurs de grains du Québec (FPGQ) dit qu'elle ne trouve «pas de justification derrière la préoccupation démesurée de la situation des pollinisateurs au Québec, au point de nécessiter une orientation réglementaire draconienne», peut-on lire.

Les bases scientifiques de cette réglementation projetée sont «trop faibles», a affirmé le directeur général de la FPGQ, Benoit Legault.

«Ce n'est pas prouvé que ce sont les néonicotinoïdes qui ont fait augmenter la mortalité (des abeilles) dans les dernières années», a-t-il dit dans une entrevue avec La Presse canadienne.

Selon lui, le gouvernement «s'est senti obligé de bouger» parce que des groupes de pression comme Équiterre et la Fondation David Suzuki «sortent une étude» sur l'usage des néonicotinoïdes et la mort des abeilles.

Un large pan d'études soutient plutôt que le lien de causalité n'est «pas si clair», de l'avis des producteurs de grains. «La grande majorité des études dit que c'est multifactoriel», a argué M. Legault.

Au rang des calamités qui déciment les rangs dans les ruches, il y aurait aussi des maladies, des insectes ravageurs, les intempéries, les changements dans les cultures, a-t-il énuméré.

La FPGQ exige plutôt un cadre pour améliorer les pratiques en matière d'usage de pesticides, un meilleur partage des connaissances, un soutien technique, ainsi qu'un soutien financier, parce qu'il y aura des pertes, prédit-on.

«À un moment donné, il va peut-être y avoir des pratiques que le gouvernement va vouloir absolument pousser. On va demander à ce qu'il y ait compensation, parce qu'il y a un maximum qu'un producteur peut faire, ça va représenter directement un coût pour lui», a fait valoir Benoit Legault.

Le ministère évalue les coûts à 8 millions $ par an, a rapporté M. Legault, notamment en services-conseils en raison du recours obligatoire à des agronomes prévu par le projet de règlement. Toutefois, la FPGQ estime que la facture sera bien supérieure et elle sera réclamée au gouvernement.

«Nous, on dit plusieurs dizaines de millions. Est-ce 10, 20, 30, 40, 50? c'est difficile à dire.»

De son côté, le ministère de l'Environnement indique que l'objectif de son projet de règlement est de «réduire l'utilisation des pesticides les plus à risque en milieu agricole afin d'obtenir des gains importants le plus rapidement possible en matière de protection de la santé, des pollinisateurs et de l'environnement».

Dans un courriel transmis à La Presse canadienne, le porte-parole du ministère, Clément Falardeau, a précisé que le but du règlement en chantier est de bannir les néonicotinoïdes, sauf sur recommandation expresse d'un agronome.

Le projet de règlement obligerait le respect de distances d'éloignement par rapport aux lacs, aux cours d'eau, aux milieux humides, aux sites de prélèvement d'eau et aux fossés.

La vente de ce type de pesticides serait aussi interdite pour les surfaces gazonnées, sauf pour les terrains de golf.

La FPGQ dit représenter 11 000 producteurs. Ils cultivent principalement du maïs, du soja, du canola, du blé, de l'avoine et de l'orge sur une superficie totale d'un million d'hectares.