Les tortues, dauphins ou oiseaux sont les premières victimes des sacs plastiques jetables, des déchets non-biodégradables qui envahissent aussi les racines des palétuviers et dont l'interdiction est entrée en vigueur vendredi à Paris.

Cette interdiction est donc accueillie avec satisfaction dans les territoires français d'Outremer, où évoluent ces animaux.

Miti, une petite tortue imbriquée de 10 kg a failli en faire les frais. À La Réunion, cette tortue connue de tous les apnéistes a été remise à la mer mardi, après plusieurs mois de soins, après avoir avalé un sac plastique dérivant dans l'eau, qu'elle avait confondue avec une méduse, comme beaucoup de ses congénères avant elle.

La matière provoque des occlusions intestinales et l'animal finit souvent par mourir de faim après des semaines de souffrance.

«Presque toutes les tortues qui arrivent ont du plastique dans l'estomac», selon Stéphane Ciccione, directeur du centre de soins Kélonia, heureux de l'interdiction mais lucide. «Les gens sont responsabilisés, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg».

Même constat pour Émilie Dumont-Dayot, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage de Martinique. Si l'interdiction des sacs jetables permet «de régler le problème des déchets plastiques à la source», elle rappelle que les tortues avalent toutes sortes d'autres déchets, comme celle qui avait ingéré une pelote de fil en nylon utilisée par les pêcheurs.

Même en petits morceaux, le sac plastique reste indigeste. Il se retrouve en microparticules dans l'estomac des tortues ou poissons, souligne Mariane Aimar, responsable pédagogique de l'École de la mer, en Guadeloupe. Pour elle, il faudrait une concertation régionale dans toute la Caraïbe, pour en finir avec les sacs. «Si tout le monde arrête vraiment, on peut s'attendre à des effets dès l'année prochaine».

En Polynésie et Nouvelle-Calédonie, où l'environnement est une compétence locale et non nationale, l'interdiction des sacs plastiques n'est pas applicable, mais les autorités y réfléchissent.

Bannir le plastique des océans

«Les sacs ont un impact important sur la faune marine. Il faut trouver une alternative», insiste Matthieu Petit, biologiste responsable de la clinique des tortues de Moorea, en Polynésie. «Il faut qu'on bannisse le plastique des océans.»

Une nécessité aussi pour Marc Oremus, du WWF à Nouméa. Les sacs jetables sont «un fléau pour les cétacés, les tortues, les oiseaux», dit-il, évoquant ces deux baleines à bec échouées dans le sud de l'île, des sacs dans l'estomac.

Ils dégradent aussi les mangroves en se coinçant dans les racines de palétuviers, souligne l'association environnementale Caledoclean.

À Mayotte, l'interdiction des sacs plastiques à usage unique est intervenue en 2006. Un arrêté préfectoral avait anticipé leur impact néfaste sur l'environnement, et notamment sur les espèces animales fréquentant le lagon.

Il ne reste dans l'île que les sacs plastiques alimentaires, plus fins, qui ne seront interdits qu'au 1er janvier 2017 dans toute la France. Mais Degas en 2014, «le spectacle de sacs plastiques accrochés aux racines de palétuviers était beaucoup moins fréquent», a salué l'association Les Naturalistes de Mayotte.

Du côté des commerçants, l'interdiction a été bien anticipée et n'est plus un sujet, souligne la Fédération des entreprises d'Outre-mer (Fedom).

«Nous avons éliminé les sacs de caisse depuis très longtemps dans la plupart des enseignes», précise Alex Alivon, secrétaire général de la grande distribution en Martinique. «Ils ont été remplacés par les cabas payants et réutilisables et la clientèle s'en accommode très bien».

Dans l'ouest guyanais, les commerçants ont même devancé l'interdiction. Ils ne distribuent plus de sacs plastiques «depuis le 1er mars, parce que ça fait trop longtemps qu'on attend», explique Alain Chung, président de Saint Fa Foei Kon, association chinoise de Saint-Laurent du Maroni qui rassemble 150 points de vente.

Il dit économiser «6000 sacs par mois» dans ses deux supérettes. Selon lui, 30% de la population «commence à venir avec ses sacs», mais «les sachets» constituent encore un «point de discorde dans les magasins».

Désormais, il propose les cabas, payants, ainsi que des sacs bio, à 10 centimes. Problème, le fournisseur de sac bio «est déjà en rupture depuis un mois».

La France se met au vert

La France a franchi vendredi une étape dans la protection de l'environnement avec l'entrée en vigueur de l'interdiction des sacs plastiques distribués dans tous les commerces et des véhicules les plus polluants à Paris.

Boulangeries, boucheries, pharmacies, drogueries, petites et grandes surfaces et marchés doivent désormais remplacer les sacs plastiques fins distribués à leurs clients par des sacs en papier, en tissu ou en plastique épais.

Les sacs plastiques fins, qui ne peuvent pas être réutilisés, mettent plusieurs centaines d'années à se dégrader. Ceux qui finissent dans la nature sont une source de pollution majeure, en particulier pour les océans: selon le ministère de l'Environnement, les estomacs de 94% des oiseaux de la mer du Nord contiennent du plastique, comme 86% des espèces de tortues marines.

En janvier 2017, une nouvelle étape sera franchie : les sacs et emballages en plastique délivrés en rayons pour emballer les denrées alimentaires seront également supprimés. Seuls les sacs «biosourcés» (avec une teneur en matière végétale comme l'amidon de pomme de terre ou le maïs) et compostables en compostage domestique, pourront être utilisés pour ces usages.

Autre interdiction, à Paris cette fois: la circulation des véhicules les plus polluants immatriculés avant le 1er janvier 1997 et les deux-roues antérieurs à juin 1999. La règle sera valable en semaine, de 8 h à 20 h locales, dans Paris intramuros.

Selon la mairie, la mesure touchera quelque 10 000 véhicules sur les quelque 600 000 qui circulent chaque jour dans Paris. La ville a proposé aux Parisiens qui veulent abandonner leur voiture désormais interdite de circulation des aides pour un abonnement au métro ou aux vélos et voitures électriques en libre service.

Une trentaine de policiers étaient stationnés vendredi sur la place de la Nation à Paris pour effectuer les premiers contrôles.

En cas de non-respect, la contravention se monte à 35 euros cette année, et à 68 euros pour les véhicules particuliers et 135 euros pour les poids lourds à partir de 2017.

Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, 50% de la pollution vient des véhicules qui ont plus de dix ans.

Sur un an, 90% de la population parisienne est exposée à des niveaux d'oxyde d'azote supérieur aux valeurs limites de l'Union européenne.

Et selon les statistiques officielles, les habitants des grandes agglomérations perdent de six à huit mois d'espérance de vie à cause de la pollution de l'air. La pollution provoque 48 000 décès par an en France, sept millions dans le monde.