Les résidants de Varennes, dont la prise d'eau est la première en aval du déversement, attendaient la coulée d'eaux usées de pied ferme, hier, plus fâchés qu'inquiets par l'arrivée de 8 milliards de litres de mélange nauséabond.

La frustration des citoyens envers les rejets de Montréal est bien palpable dans les rues situées près du Saint-Laurent, même si la rive demeurait pour l'instant vierge de tout détritus.

Sylvain Raymond était venu s'en assurer au parc de la Commune. Le déversement, « je trouve ça dégueulasse, il y a des gens qui viennent pêcher ici », a-t-il affirmé, près d'une jetée de roc concassé. « Ça fait plusieurs années qu'ils essaient de le nettoyer, ce fleuve-là. Ici, il y a beaucoup d'oiseaux. Des bernaches, des hérons. »

Même sentiment dans les résidences du coin.

« On trouve ça effrayant. Ils veulent qu'on fasse attention à l'environnement, mais eux ne font attention à rien », a déploré Andrée Tremblay, une résidante de la rue d'Iberville dont le terrain se termine dans le fleuve.

Rien à signaler

Un proche voisin, René Vincent, avait déjà vérifié sa portion de rive à deux reprises lors du passage de La Presse. Il y est retourné pour confirmer qu'aucune substance douteuse ne s'était échouée et qu'aucune odeur n'était détectable. Rien à signaler.

« C'est pas correct. Nous, on ramasse tout ce qu'on peut [sur la rive], mais Montréal garroche ça dans le fleuve à coups de milliards de gallons. »

M. Vincent n'est toutefois pas inquiet pour la qualité de l'eau potable.

Il fait bien, selon les explications de Jacques Vachon, surintendant à l'usine de filtration qui approvisionne Varennes, ainsi que ses voisines Sainte-Julie et Saint-Amable. Assis à son bureau au deuxième étage de l'installation, il a expliqué à La Presse que ses employés n'avaient rien signalé jusqu'à maintenant. Les résultats des premières analyses bactériologiques lui seront envoyés demain.

Comme d'habitude, deux tests quotidiens serviront à surveiller la situation.

Selon M. Vachon, la configuration du Saint-Laurent pourrait éviter bien des désagréments aux Varennois : la très profonde voie maritime qui passe au large de la ville a de bonnes chances de faire progresser les détritus en aval sans qu'ils n'atteignent la rive à cette hauteur.

Condoms et applicateurs de tampon

Robert Lavoie habite sur le bord du fleuve depuis plus de 35 ans. Il se souvient très bien de l'époque où le déversement actuel correspondait au quotidien des riverains.

« Si c'est comme dans le temps, on va voir des applicateurs de tampax et des préservatifs », a-t-il expliqué en montrant du doigt sa petite plage de sable.

M. Lavoie ne boit pas l'eau de Varennes en temps normal, parce que Montréal ne traite pas complètement ses rejets : le riverain craint les traces de médicament dans le fleuve.

« À Montréal, l'eau est parfaite. Les villes ontariennes en amont sont loin. Mais ici, on a tous les résidus. Les pilules anticonceptionnelles des femmes, par exemple. »

Si Varennes s'en sort indemne pour le moment, il n'est pas exclu que d'autres villes en aval soient davantage touchées.

Au quai municipal, un citoyen de Verchères prénommé Mario était justement venu constater de ses propres yeux la situation.

« C'est bien plate, mais il faut qu'ils le fassent », s'est-il résigné. « En tout cas, ça se parle pas mal à Verchères. »