La justice française a confirmé jeudi le jugement qui avait reconnu la responsabilité du groupe américain Monsanto dans l'intoxication d'un agriculteur de Charente (sud-ouest), une première en France.

Paul François, céréalier, avait été intoxiqué en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto qu'il utilisait dans sa culture du maïs.

Monsanto avait déjà été reconnu «responsable» en première instance en 2012.

«Le pot de terre peut gagner contre le pot de fer», s'est réjoui M. François, peu après la confirmation de cette décision par la cour d'appel de Lyon (centre-est).

«Les firmes ne sont pas au-dessus des lois», a-t-il ajouté, très ému, saluant une «décision historique».

Le géant des semences et de l'agrochimie avait été condamné en première instance en 2012 à «indemniser entièrement» l'agriculteur, partiellement handicapé et qui souffre d'importantes séquelles. Le groupe américain avait fait appel du jugement.

À l'audience en mai dernier, Monsanto avait répété que son produit «n'était pas dangereux» et que «les dommages invoqués n'existent pas».

«La décision est très surprenante eu égard aux inexactitudes et aux erreurs qui émaillent la thèse de Paul François», a réagi jeudi auprès de l'AFP l'avocat de Monsanto, Me Jean-Daniel Bretzner.

«Mais ça n'est qu'une étape et la discussion va se poursuivre, le combat va se poursuivre», a-t-il poursuivi, laissant entendre que Monsanto formera «vraisemblablement» un pourvoi en cassation.

M. François est pour sa part convaincu que la firme américaine connaissait les dangers du Lasso bien avant son interdiction en France en novembre 2007. Cet herbicide, composé à près de 50% de monochlorobenzène, solvant répertorié comme hautement toxique, avait en effet été jugé dangereux et retiré du marché au Canada dès 1985 et depuis 1992 en Belgique et au Royaume-Uni.

Pour la documentariste Marie-Monique Robin jointe par l'AFP, auteure de plusieurs films et ouvrages sur Monsanto, cette condamnation est réellement «historique»: «c'est la première fois qu'un agriculteur fait condamner Monsanto».

«La reconnaissance de la responsabilité de Monsanto dans cette affaire est essentielle: les firmes qui mettent sur le marché ces produits doivent comprendre que dorénavant elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités», a également estimé dans un communiqué Maria Pelletier, présidente de l'association de lutte contre les pesticides, Générations futures.

«Il est temps que ces firmes cessent d'exposer des pans entiers de populations à ces produits dont la toxicité et la dangerosité n'est plus à démontrer», poursuit-elle.