L'Organisation maritime internationale, une institution de l'ONU, a lancé la semaine dernière un nouveau Code polaire, qui prendra effet en janvier 2017. Il limite sévèrement les rejets de produits chimiques et de résidus alimentaires en Arctique et en Antarctique. Mais certains groupes écologistes voudraient qu'un type de carburant moins cher, mais plus dommageable pour l'environnement, soit carrément interdit.

«Il faut absolument que le combustible de soute [bunker fuel] soit interdit en Arctique», explique Kevin Harun de Pacific Environment, une ONG environnementaliste de San Francisco vers qui Greenpeace a dirigé La Presse. «Il s'évapore et se dégrade très peu, et peut facilement couler entre deux eaux. Il pourrait rester collé à la banquise pendant des années.»

Le mois dernier à Vancouver, une fuite de 2700 litres de combustible de soute d'un vraquier dans une baie populaire auprès des plaisanciers a causé un grand émoi et une opération majeure des autorités.

Le combustible de soute est très peu volatile - seulement de 5 à 10% s'évaporent dans l'atmosphère dans les heures suivant un déversement, quand le carburant est encore à la surface de l'eau. Il faut compter sur les microbes pour le dégrader: selon une analyse faite en 2003 sur du combustible de soute contenu dans les réservoirs du USS Arizona, un navire coulé lors de l'attaque japonaise de Pearl Harbor en 1941, les microbes peuvent dégrader seulement de 50 à 80% de ce type de carburant en deux semaines, à une température de 5 degrés Celsius.

L'industrie du transport maritime s'est opposée bec et ongles à l'interdiction du combustible de soute en Arctique, parce qu'il coûte entre 30 et 50% moins cher que les autres types de carburant, diminuant les frais de fonctionnement d'un navire de 350 000$US par jour, selon l'ONG Transpacific Stabilization Agreement, financée par l'industrie.



Interdite en Antarctique

L'utilisation de combustible de soute est interdite en Antarctique et, pour ainsi dire, l'est aussi dans les eaux côtières nord-américaines, à cause des limites sévères des émissions de dioxyde de soufre.

«Nous avons bon espoir de faire réviser le Code polaire pour interdire le combustible de soute, à tout le moins pour l'alimentation des navires, dit M. Harun. Pour le moment, on ne peut pas viser l'interdiction des livraisons, parce que les communautés autochtones en ont besoin. D'ailleurs, un certain nombre de pays européens et scandinaves se sont engagés à nous appuyer si nous leur montrons l'impact sur le transport maritime et les communautés de l'Arctique d'une interdiction du combustible de soute.»

Kevin Harun appuie par ailleurs le Canada dans sa revendication de souveraineté du passage du Nord-Ouest, que plusieurs pays, dont les États-Unis, voudraient voir désigné comme un «détroit international» échappant à la réglementation canadienne.

«La délégation canadienne est l'une des plus fortes sur le plan de la réglementation environnementale, même si elle n'a pas pris position sur le combustible de soute», dit M. Harun.

Les restrictions sévères du Code polaire sur les rejets de produits chimiques, notamment l'eau utilisée pour laver les moteurs des navires, et les rejets agroalimentaires satisfont M. Harun.

Outre le combustible de soute, les prochaines batailles qu'il entend livrer portent sur la suie relâchée par les moteurs, qui accélère la fonte de la banquise, ainsi que sur la vidange des ballasts des navires, qui peuvent amener en Arctique des espèces invasives. L'an dernier, des études ont montré que certains types de phoques de l'Alaska étaient particulièrement vulnérables aux parasites qui touchent leurs espèces cousines méridionales.