Le défi de protéger 17% du territoire de la région de Montréal, un objectif officiel adopté l'an dernier, paraît beaucoup plus difficile à relever que ne le laissent paraître les statistiques officielles.

Et la moitié des villes de la région n'ont pris aucune mesure pour créer des réserves naturelles répondant aux critères internationaux.

C'est ce que révèle une analyse exclusive de La Presse réalisée à partir de données publiques.

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Officiellement, il y a 9,6% d'aires protégées sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Mais ce chiffre est trompeur.

L'immense majorité de ce territoire protégé est en fait aquatique.

Par exemple, la superficie totale des lacs Saint-Louis et des Deux-Montagnes sont des «aires de concentration d'oiseaux aquatiques», selon les données du Registre québécois des aires protégées.

Ce registre se base sur les critères de l'Union internationale de conservation de la nature pour inclure ou non une zone donnée dans la liste des aires protégées.

Selon les standards internationaux, peu importe si une aire protégée est en milieu terrestre ou aquatique.

Enjeux différents

Mais les enjeux de conservation sont beaucoup plus épineux sur la terre ferme que sur l'eau, en tout cas du point de vue des municipalités.

En effet, ces dernières n'ont pratiquement aucune compétence sur les plans d'eau, qui, évidemment, ne sont pas visés par des projets immobiliers.

Si on considère strictement les milieux terrestres, il n'y a que 2,3% d'aires protégées dans la région.

C'est le résultat de l'analyse effectuée par La Presse sur la base des données provinciales, fournies par le ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) et le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT).

La moitié des 82 municipalités de la CMM n'a aucune aire protégée en milieu terrestre sur son territoire. Et certaines figurent parmi les plus étendues dans la région, comme Mirabel. Au total, ces 41 villes totalisent 172 000 hectares, sans compter les plans d'eau. C'est 44% de la superficie terrestre de la CMM.

Un groupe de 18 autres municipalités totalisant 113 000 hectares protège moins de 1% de son territoire.

Cependant, le portrait pourrait changer localement. Par exemple, Longueuil a demandé le statut de refuge faunique pour une vaste zone appelée Boisé du Tremblay. Comme ce statut n'a pas encore été officialisé par Québec, il n'apparaît pas dans les statistiques. En incluant cette future réserve, Longueuil approcherait les 4% d'aires protégées.

Un autre constat s'impose: les villes de la région qui ont le plus d'aires protégées sont celles qui ont la chance d'avoir sur leur territoire un parc ou une réserve créée par un ordre de gouvernement supérieur ou une institution.

Notons cependant que les critères internationaux ont pour effet d'exclure du calcul la plupart des parcs municipaux, même si certains d'entre eux peuvent, en partie, jouer un rôle de conservation.

Appelée à commenter le dossier, la CMM a référé La Presse à une note interne non datée qui confirme ses calculs, à quelques décimales près.

Selon ce document, sur les 9,6% d'aires protégées de la région, il n'y en aurait que 2,1% en milieu terrestre, soit 9163 hectares.

Cependant, affirme-t-on, il existe un potentiel de conservation de 50 000 hectares en milieu terrestre dans la région. De quoi porter à 21,1% le pourcentage d'aires protégées.

Mais pour cela, il faudrait protéger tous les milieux humides ainsi que tous les corridors forestiers et boisés métropolitains dans la région.

De belles batailles en vue avec les promoteurs immobiliers.

Données révélatrices

Pour Karel Mayrand, de la Fondation David Suzuki, les données compilées par La Presse sous forme de carte sont révélatrices.

«C'est une carte qui est décourageante, dit-il. Ça veut dire qu'on a énormément de chemin à faire.»

«Grosso modo, dans la couronne nord, il n'y a rien de protégé, constate-t-il. Ça n'a pas de bon sens d'être à zéro dans des endroits comme Mirabel. Mais on a encore la chance d'avoir des milieux naturels dans ces municipalités.»

Il critique la lenteur des municipalités à mettre leur schéma d'aménagement à jour afin qu'il soit conforme au Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD).

C'est ce plan qui a fixé l'objectif de 17% d'aires protégées dans la région, en réponse aux normes internationales adoptées en 2010 à la Conférence de Nagoya sur la biodiversité.

«Les MRC ont jusqu'en février 2014 pour mettre leur schéma d'aménagement à jour et peu l'ont fait», dit-il.