Un regroupement de citoyens et d'écologistes presse le gouvernement Marois de lancer une consultation publique sur l'inversion du flux du pipeline 9B d'Enbridge vers Montréal, citant le mauvais bilan de la société albertaine en matière de sécurité et les lacunes dans les audiences publiques fédérales.

La Coalition vigilance oléoduc, qui se décrit comme un « regroupement informel et décentralisé d'une cinquantaine de citoyens et de groupes locaux », a été lancé le mois dernier. Il rassemble des personnes et des organismes établis dans les Basses-Laurentides, le long de l'oléoduc qui relie Montréal à Sarnia, en Ontario.

Le groupe somme Québec d'instituer au plus vite une évaluation environnementale du projet, qui fait déjà l'objet d'audiences publiques à l'Office national de l'énergie. Jean Léger, citoyen de Mirabel, estime que le processus fédéral a un parti pris pour le projet.

Il rappelle que le gouvernement conservateur a modifié de fond en comble le processus d'évaluation environnementale avec son superprojet de loi C-38, l'an dernier. Désormais, les personnes qui n'ont pas un « intérêt direct » dans les projets seront exclus des audiences publiques.

Les audiences sur le pipeline Enbridge constituent le premier test de cette réforme controversée.

« On croit que le gouvernement du Québec est le mieux placé pour représenter les intérêts des Québécois, et non le gouvernement fédéral, affirme M. Léger. On sait très bien que les intérêts du gouvernement Harper sont avec l'industrie pétrolière. »

Il craint par ailleurs que les autorités municipales ne soient  pas non plus en mesure de remettre en question l'inversion du flux du pipeline. Il rappelle qu'Enbridge a distribué des milliers de dollars sous forme d'aide financière à des municipalités qui longent son oléoduc. Sa propre ville, Mirabel, a reçu 10 000$.

Enbridge prête à collaborer

Enbridge dit être ouverte à collaborer avec le gouvernement du Québec s'il décide de lancer sa propre consultation publique sur le projet. Son porte-parole, Éric Prud'homme, fait valoir que l'entreprise a dépassé les normes du gouvernement fédéral en tenant de sa propre initiative des consultations publiques dans des villes situées le long du pipeline.

« Enbridge est prête à aller au-delà des exigences règlementaires déjà en place avec l'Office national de l'énergie afin de s'assurer que la population concernée soit au courant du projet, ait accès à l'information et ait réponse à ses questions », a assuré M. Prud'homme.

Le projet d'Enbridge a reçu l'appui du milieu des affaires québécois. La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) fait valoir que l'arrivée du pétrole dérivé des sables bitumineux permettra de consolider les quelque 1000 emplois du secteur du raffinage dans la province.

Le directeur stratégique de l'organisme, François-William Simard, fait valoir qu'il y avait sept raffineries au Québec il y a une vingtaine d'années et qu'on n'en compte plus que deux aujourd'hui, celle de Montréal-Est et celle de Lévis. Ces établissements s'approvisionnent en Afrique du Nord et en Europe, un brut qui coûte beaucoup plus cher que le bitume dérivé des sables bitumineux albertains.

La FCCQ est par ailleurs favorable aux réformes des évaluations environnementales lancées par le gouvernement conservateur. Son directeur stratégique, François-William Simard, rappelle que des groupes écologistes américains ont voulu intervenir sur le projet d'Enbridge.

« On comprend qu'il y a des changements qui sont décriés par certains groupes, dit M. Simard. Mais est-ce que c'est normal que des gens qui proviennent de l'extérieur du Canada commencent à se prononcer sur des projets qui touchent le Canada? Pour nous, ce n'est pas normal. »

Le gouvernement Marois a soufflé le chaud et le froid au sujet du pipeline Enbridge au cours des derniers mois. En novembre, l'ancien ministre de l'Environnement, Daniel Breton, a laissé entendre qu'il souhaite bloquer l'arrivée du pétrole dérivé des sables bitumineux au Québec.

Il a nuancé ses propos quelques heures plus tard en affirmant que la province aura son mot à dire sur l'issue du projet. Le gouvernement péquiste a par la suite promis de tenir sa propre évaluation, mais on ignore quelle forme elle prendra. Québec a également formé un groupe de travail avec l'Alberta sur le pétrole.

Le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, promet que Québec tiendra ses propres consultations environnementales et qu'elles sont publiques. L'objectif sera de vérifier si Québec doit accepter le projet, et si oui, «à quelle condition», explique-t-il. Il ajoute ne pas être «enthousiasmé» par l'évaluation de l'Office national de l'énergie, qui relève du fédéral. « On va chacun faire ses affaires chez soi », lance-t-il.

La Presse a révélé le mois dernier que l'Office national de l'énergie a jugé non conformes 117 des 125 stations de pompage exploitées par Enbridge au pays.

- Avec Paul Journet