Les autorités fédérales et provinciales sont mal préparées à faire face à une marée noire dans l'Est du pays, prévient le Commissaire fédéral à l'environnement, dans un rapport publié mardi. Un cri d'alarme qui survient au moment où Québec et Terre-Neuve étudient la possibilité de lancer la production du gisement Old Harry, dans le golfe du Saint-Laurent.

Le commissaire Scott Vaughan, qui publie son dernier rapport annuel avant de quitter son poste, craint que le boom des ressources ne soit en train de prendre le pas sur la protection de l'environnement.

« Étant donné le rôle central des ressources naturelles dans l'économie canadienne, la protection environnementale doit évoluer avec le développement économique, a-t-il déclaré. Je trouve inquiétantes les lacunes que nous avons constatées dans la gestion des programmes fédéraux de ressources naturelles. »

Il dénonce en outre « plusieurs lacunes » dans la manière dont les offices fédéraux-provinciaux chargés de superviser l'extraction pétrolière dans l'Atlantique sont préparés en cas de déversement en mer.

L'Office de Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, a débuté en 2008 un examen des plans d'urgence des compagnies actives au large de ses côtes. Cinq ans plus tard, cette enquête n'est toujours pas terminée, ce qui n'a pas empêché l'organisme d'accorder six autorisations de production.

Les plans d'intervention des autorités provinciales et fédérales sont mal coordonnés, si bien qu'on « ne pouvait déterminer avec certitude qui jouerait certains rôles clés durant un déversement majeur, ni de quelle manière ces rôles seraient assumés », note le commissaire Vaughan.

D'ailleurs, la Garde côtière canadienne n'a pas le mandat d'intervenir en cas de marée noire, et n'est pas adéquatement équipée pour le faire.

Près de 5 millions de barils de pétrole se sont retrouvés dans le golfe du Mexique après l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, en 2010. Or, note M. Vaughan, les entreprises actives au large des côtes atlantiques du Canada doivent composer avec un environnement encore plus difficile.

« Aux risques techniques et géologiques s'ajoutent les icebergs, le brouillard et les mauvaises conditions météorologiques, sans compter l'emplacement des champs en haute mer », écrit-il.

Les gisements Hibernia, Terra Nova, White Rose et North Amethyst ont produit ensemble près de 100 millions de barils de pétrole en 2011. Des permis d'exploitation sont en vigueur à plusieurs autres endroits dans l'Atlantique et dans le golfe du Saint-Laurent.

Le gisement Old Harry, situé à 80 kilomètres des Îles-de-la-Madeleine, se trouve à cheval sur la frontière du Québec et de Terre-Neuve. Il recèlerait jusqu'à deux milliards de barils de pétrole ou 5000 milliards mètres cubes de gaz naturel.

Au Québec, l'exploitation pétrolière dans Saint-Laurent fait l'objet d'un moratoire depuis 1998. Des études environnementales stratégiques (ÉES) ont été commandées. Celle sur le golfe du Saint-Laurent doit être déposée cette année.

À Ottawa, le Bloc québécois réclame depuis deux ans un moratoire sur l'ensemble du Golfe du Saint-Laurent. Mais Terre-Neuve a néanmoins délivré des permis d'exploitation préliminaires pour sa portion du gisement.

« Le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable vient confirmer l'importance d'un tel moratoire, mais il démontre aussi que le gouvernement fédéral contribue à augmenter les risques, a dénoncé par communiqué le député bloquiste Jean-François Fortin. Pour le Bloc québécois le rapport du commissaire à l'environnement prouve que Québec a eu raison de faire preuve de prudence. »

Les contribuables pourraient payer

Les contribuables canadiens pourraient par ailleurs devoir payer pour des dommages environnementaux résultant des projets miniers, pétroliers et nucléaires. Le commissaire Vaughan note en effet que les montants versés en garantie par les entreprises oeuvrant dans le secteur des ressources naturelles risquent d'être insuffisants pour couvrir les coûts de restauration des sites, ou encore de nettoyage en cas d'accident.

Le commissaire s'est intéressé aux « plafonds de responsabilité absolue », des sommes minimales que doivent allonger des entreprises en cas d'accident, peu importe qu'elles soient responsables ou pas. Ces montants sont « désuets », déplore-t-il. Ils n'ont pas été révisés depuis 35 ans pour des installations nucléaires, et plus de 20 ans pour les activités pétrolières et gazières.

« Nous avons remarqué que les plafonds de responsabilité absolue n'avaient pas été modifiés depuis plus de 24 ans et qu'ils sont peu élevés par rapport aux limites fixées dans d'autres pays », relève le commissaire.

Le commissaire Vaughan déplore aussi la lenteur d'Ottawa à protéger la biodiversité marine.

Subventions à la baisse

Mais le tableau n'est pas complètement noir pour le gouvernement fédéral. Le commissaire note que le gouvernement Harper a donné suite à son engagement de réduire les subventions au secteur des combustibles fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, l'élimination progressive de ces subventions pourrait réduire de 1,7 milliard de tonnes les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, soit 40% de la réduction nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius.

« Lors des réunions du G20, en 2009, le Canada s'est engagé à rationaliser et à éliminer graduellement les subventions inefficaces visant les combustibles fossiles, note M. Vaughan. Nous avons constaté que le gouvernement fédéral a agi selon cet engagement. »