Dix ans après le naufrage du Prestige, le procès de la plus grave marée noire de l'histoire de l'Espagne s'est ouvert mardi à La Corogne, en Galice (nord-ouest), où vont être jugés pendant plusieurs mois quatre accusés, dont le commandant du pétrolier.    

Le navire s'était cassé en deux et avait coulé le 19 novembre 2002 au large de l'Espagne, après avoir dérivé pendant six jours dans l'Atlantique, laissant s'échapper 50 000 tonnes de brut qui avaient pollué des milliers de kilomètres de côtes.

Cette première journée devait être consacrée à des questions de procédure, avant le début proprement dit du procès le 13 novembre, lorsque commenceront les auditions des accusés.

Parmi eux, le commandant grec du navire, Apostolos Mangouras, âgé de 78 ans, le chef mécanicien, Nikolaos Argyropoulos, grec lui aussi, ainsi que le directeur de la Marine marchande espagnole de l'époque, José Luis Lopez-Sors, qui se sont assis tous trois mardi sur le banc des accusés.

Le quatrième accusé, l'officier en second philippin du Prestige, Ireneo Maloto, est en fuite.

Le début des auditions, le 13 novembre, coïncidera avec l'anniversaire, jour pour jour, du début de la catastrophe : le 13 novembre 2002, le Prestige, un pétrolier libérien battant pavillon des Bahamas, chargé de 77 000 tonnes de mazout, subissait une voie d'eau, en pleine tempête, au large de la Galice dans le nord-ouest de l'Espagne.

Le pétrolier avait coulé à 8 heures du matin le 19 novembre, à 250 kilomètres des côtes par près de 4000 mètres de fond.

Des milliers de kilomètres de côtes, en Espagne, mais aussi au Portugal et en France, avaient été pollués par un fioul épais et visqueux.

La marée noire avait déclenché un vaste élan de solidarité dans toute l'Europe et 300 000 volontaires avaient accouru pour participer au nettoyage du littoral souillé.

Dix ans plus tard, le Tribunal supérieur de justice de Galice s'apprête à entendre les dépositions de 133 témoins et d'une centaine d'experts, qui seront appelés à la barre dans le Parc des expositions de La Corogne, spécialement aménagé vu la dimension inhabituelle du procès. Celui-ci doit durer jusqu'en mai 2013.

Quelque 1500 plaignants se sont regroupés en 55 parties civiles.

Le montant des dommages demandés s'élève à plus de 2,2 milliards d'euros (2,8 milliards de dollars), bien que le préjudice ait été chiffré à 4,121 milliards (environ 5,3 milliards de dollars) : 3,862 milliards (environ 5 milliards de dollars) pour l'État espagnol, auxquels s'ajoutent les dommages estimés pour l'État français (86,36 millions - 111,40 millions de dollars) et pour diverses administrations et particuliers espagnols (172,86 millions - 222,34 millions de dollars).

Le parquet a réclamé 12 ans de prison contre le commandant, poursuivi comme les deux autres officiers pour atteinte à l'environnement et à un espace naturel protégé.

Mais les organisations écologistes estiment que les leçons de la marée noire n'ont pas été tirées, et que les véritables responsables seront absents.

« Pour Greenpeace, beaucoup de responsables devraient être sur le banc des accusés et ne le sont pas », affirmait lundi Maria José Caballero, directrice de campagne de l'organisation. « Nous avons assisté à une des plus importantes campagnes de désinformation de l'histoire de ce pays ».

Greenpeace a ainsi rappelé les propos de Mariano Rajoy, aujourd'hui chef du gouvernement dont il était à l'époque le porte-parole, se refusant à parler de « marée noire », mais seulement de « petits fils » de pétrole.

« Il est évident qu'il manque des gens sur le banc des accusés », affirmait lui aussi Jaime Doreste, avocat membre du groupe de défense de l'environnement Ecologistas en Accion.

Cette organisation s'indigne aussi que des pétroliers à coque simple, comme l'était le Prestige, remplacés par des navires à double coque depuis 2009, mais autorisés par l'Union européenne à naviguer jusqu'en 2015, continuent à naviguer et que les conséquences environnementales de la marée noire restent en partie inconnues.

Une étude scientifique, publiée en 2010, affirmait ainsi que les pêcheurs ayant participé au nettoyage de la pollution présentaient des modifications de leur ADN et des problèmes pulmonaires.