Après cinq accidents écologiques en 18 mois et le déversement dans la nature de millions de litres de contaminant dans une quinzaine de plans d'eau, la société qui exploite la gigantesque mine de fer du lac Bloom pourrait bien se faire taper sur les doigts par le ministère de l'Environnement.

Les fonctionnaires soupçonnent un comportement négligent du propriétaire et promettent de «serrer la vis».

Le déversement qui a fait déborder le vase est survenu mercredi dernier. Une quantité inconnue d'eau chargée de matières en suspension a dérivé du site d'exploitation pour se jeter dans deux lacs avoisinants.

«On n'exclut aucun recours pour ce cas, a fait valoir Frédéric Fournier, porte-parole régional du ministre de l'Environnement. Ça commence à être sérieux. On va sévir.»

Annie Desrosiers, porte-parole de la propriétaire de la mine, Cliff Natural Ressources, a plaidé que des pluies exceptionnelles étaient tombées sur la Côte-Nord durant l'été, ce qui expliquait l'incident. «C'est ce qui explique celui de cette semaine», a-t-elle fait valoir.

Récidiviste

La mine du lac Bloom n'en est pas à son premier déversement.

Le projet minier situé dans les limites de Fermont, sur la Côte-Nord, multiplie les accidents environnementaux depuis avril 2011. Ses activités ont commencé à l'été 2010, après un départ particulièrement rapide.

Quatre des cinq «urgences environnementales» ont été classées au niveau 2 sur une échelle de trois degrés. Les situations de ce niveau sont relativement rares au service Urgence-Environnement.

En mai 2011, l'équivalent de 20 bassins olympiques d'eau de drainage non traitée s'est échappé des installations de l'entreprise après le bris d'une digue. Quinze lacs en aval ont été touchés par la fuite.

Deux jours auparavant, 10 000 litres de sulfate ferrique avaient été lâchés dans la nature. Cette fois, le Ministère a découvert qu'un réservoir ne respectait pas les normes réglementaires.

En avril 2011, une «erreur de conception du système de traitement des eaux usées de la mine» a causé le déversement de deux millions de litres d'eau de procédé contenant des résidus miniers.

«Ce sont tous des cas différents. Pour diverses raisons, il n'y a pas eu moyen de les poursuivre», a expliqué M. Fournier.

Chez Cliff Natural Ressources, on a fait valoir que tous ces cas faisaient encore l'objet d'analyses et qu'il n'était donc pas possible de les commmenter.

Conception rapide

Hubert Vallée, l'employé responsable de la conception de la mine, assure avoir respecté les normes imposées par les gouvernements.

«On a construit ça vite et ça a dérangé du monde parce qu'on n'a pas utilisé les méthodes standards que les autres avaient, a-t-il admis à La Presse. Mais on a tout fait selon les règles de l'art», a-t-il ajouté. Depuis la construction, M. Vallée n'est plus chez Cliff Natural Ressources.

Du côté des groupes environnementaux, on affirme que l'entreprise n'a pas une excellente réputation dans le monde minier, notamment pour ses projets en Ontario. «Ils n'ont pas du tout une bonne feuille de route jusqu'à présent», a affirmé Ugo Lapointe, de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

Selon lui, le ministère de l'Environnement manque cruellement de ressources en matière d'enquêtes et de poursuites devant les tribunaux pour faire appliquer la loi.