Pour des centaines de millions de femmes dans le monde, préparer le repas est une tâche dangereuse, une affaire de santé publique et écologique que veulent résoudre l'ONU et les États-Unis.    

Trois milliards de personnes, soit 40 % de la population mondiale, cuisinent sur un simple feu de bois, de charbon, de détritus ou d'excréments.

Maintenant en équilibre une marmite sur un feu, dans des fumées parfois toxiques, elles mettent leur propre vie en danger et celles de leurs enfants.

Un programme soutenu par les Nations unies et les États-Unis, l'« Alliance mondiale pour des cuisinières propres » (cleancookstoves.org), se donne pour objectif de fournir quelque 100 millions de plaques de cuisson dans le monde d'ici à 2020.

L'Alliance veut tout à la fois améliorer les conditions de vie et la sécurité des populations du Tiers Monde, favoriser la condition féminine, et lutter contre le changement climatique.

Une de ses bénéficiaires, Maria Itzep Chiguil, une mère de famille de 35 ans au Guatemala, raconte à l'AFP avoir vécu pendant des années « dans un coin de la cuisine avec un tas de déchets que nous faisions brûler et au-dessus duquel se balançait une marmite ».

« Il y avait tellement de fumée tout le temps dans la maison que les enfants souffraient des yeux, de la gorge et des voies respiratoires », explique-t-elle au téléphone.

Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), faire la cuisine sur un foyer non protégé représente l'un des dix plus gros risques sanitaires dans le monde. Deux millions de personnes, dont beaucoup d'enfants de moins de cinq ans, meurent chaque année après avoir inhalé des fumées de cuisine.

Des millions d'autres se brûlent en manipulant leurs casseroles au-dessus du feu.

Aller chercher du combustible - par exemple ramasser du bois en forêt - s'avère également très dangereux : en République démocratique du Congo (RDC), les organisations internationales estiment qu'une femme est violée toutes les heures lorsqu'elle s'acquitte de cette tâche.

À ces drames de santé publique et de la criminalité, s'ajoutent des urgences environnementales : déforestation, émission de dioxyde de carbone, pollution due à la combustion du charbon.

Pour y répondre, les Nations unies et le département d'État américain ont oeuvré à la création en septembre 2010 de l'Alliance, partenariat public-privé qui rassemble des gouvernements, des financiers, des ONG, des chercheurs et des industriels.

La vie de Mme Chiguil et de ses voisins du village guatémaltèque de Patachaj s'est ainsi transformée du tout au tout quand ils ont reçu l'an dernier une simple cuisinière à quatre foyers. « Avant, je passais mes journées à cuisiner, car je ne pouvais faire cuire qu'un seul plat à la fois. Maintenant, j'ai du temps pour faire autre chose» , se félicite la jeune femme.

« Cela concerne la moitié de la population du globe et il est difficile de croire que nous n'y ayons pas pensé avant », plaisante Kris Balderston, un des responsables au département d'État de cette « Alliance mondiale ».

La secrétaire d'État Hillary Clinton, qui insiste régulièrement sur la condition des femmes dans le monde, est montée en première ligne pour ce programme : elle a tenté jusqu'à présent de convaincre 36 pays de rejoindre l'« Alliance », comme donateurs ou bénéficiaires du programme.

« C'est l'un des problèmes internationaux que l'on peut résoudre », a récemment plaidé Mme Clinton.

Mais il faut encore « trouver des accords en termes de normes internationales, de critères sanitaires et sécuritaires, en termes de normes d'émissions », pointe un responsable du programme, Radha Muthiah.

Il s'agit de promouvoir des modes de cuissons peu polluants, qui utilisent peu de combustibles tout en produisant beaucoup d'énergie.

L'«Alliance doit aussi décider quels pays cibler en priorité. Réponse en septembre, mais l'on parle de la Tanzanie et du Kenya pour l'Afrique, du Bangladesh et du Vietnam pour l'Asie.

Les deux pays les plus peuplés au monde - la Chine et l'Inde - ont servi de modèles pour avoir mené à bien leurs programmes d'équipement des ménages en cuisinières.

La seule chose que «l'Alliance ne fera pas, c'est fabriquer et vendre des cuisinières. Notre objectif est de créer un marché florissant et durable», dit Jacob Moss, directeur du programme américain pour les «cuisinières propres».