Pour la deuxième fois en un mois, un projet industriel polluant a été définitivement arrêté en Chine après une manifestation durant laquelle le siège du gouvernement local de Qidong, près de Shanghai, a été mis à sac par des protestataires qui ont affronté la police.

Tôt dans la matinée, des milliers de personnes se sont rassemblées pour protester contre un pipeline transportant jusqu'à leur ville située en bord de mer les eaux usées d'une usine de papeterie du groupe japonais Oji Paper Group, éloignée d'une centaine de kilomètres.

De très nombreux protestataires ont envahi le bâtiment du gouvernement local dans la cour duquel deux voitures ont été renversées, a constaté un photographe de l'AFP sur place.

La foule a été évaluée à «plusieurs milliers» de personnes par l'agence Chine nouvelle, tandis qu'une manifestante interrogée par l'AFP parlait de 50 000 protestataires.

Au siège du gouvernement, des manifestants se sont emparés de bouteilles d'alcool et de vin ainsi que de cartouches de cigarettes, des articles reçus fréquemment comme pots-de-vin en Chine par les fonctionnaires, selon un témoignage recueilli par téléphone.

Certains de ces articles étaient exhibés à l'extérieur du bâtiment gouvernemental, selon une photo publiée sur Sina Weibo, le principal service de microblogging chinois qui compte plus de 250 millions d'abonnés et sur lequel le terme de recherche «Qidong» a rapidement été censuré samedi.

D'autres photos, dont l'AFP n'a pu immédiatement vérifier l'authenticité, montraient une voiture de police renversée.

La cour du siège du gouvernement et les balcons donnant sur cette cour étaient noirs de monde, selon d'autres clichés.

Sur deux photos, un homme identifié par des internautes comme le secrétaire du Parti de la ville, Sun Jianhua, apparaît entouré de policiers, le torse dévêtu alors qu'il se serait fait arracher ses vêtements, puis escorté par les forces de l'ordre.

En milieu de matinée, des affrontements violents ont opposé des manifestants à des policiers venus en grand nombre, a constaté l'AFP.

Dans le même temps, les autorités faisaient savoir que le déversement des eaux usées de la papeterie, qui avait déjà été provisoirement suspendu, le serait définitivement.

«La municipalité de Nantong (où est située la papeterie) a décidé d'abandonner définitivement le projet de rejet d'eaux usées dans la mer: nous demandons aux habitants de rentrer chez eux», a déclaré la police sur son microblog.

Malgré cette annonce, également diffusée par la télévision locale, plusieurs manifestants interrogés au téléphone par l'AFP restaient sceptiques sur les intentions réelles des autorités, tandis que la foule commençait à se disperser.

Les rejets auraient atteint 150 000 tonnes d'eaux usées par jour quand l'usine, dont la construction a démarré en 2007, aurait fonctionné à plein rendement, selon des habitants cités par le quotidien étatique Global Times vendredi.

«Nous ne rejetons pas d'eau polluée. L'eau que nous rejetons a été purifiée et est conforme aux normes locales de protection de l'environnement», a assuré de son côté un responsable des relations publiques d'Oji Paper, cité par l'agence japonaise Jiji Press.

Les mouvements de protestation contre la dégradation de l'environnement, victime de trois décennies d'industrialisation à marche forcée, se multiplient depuis l'an dernier en Chine.

Début juillet à Shifang dans la province du Sichuan (sud-ouest), des manifestants avaient affronté pendant plusieurs jours les forces de l'ordre avant d'obtenir l'assurance de l'abandon définitif d'un projet d'usine métallurgique polluante.

Durant l'été 2011, une usine fabriquant des panneaux solaires avait été provisoirement fermée à Haining (est) après des manifestations, tandis que les habitants de Dalian (nord-est) avaient obtenu le déménagement d'un complexe pétrochimique qui devait être implanté dans leur ville.