Trois hauts dirigeants de Cooke Aquaculture, plus grand éleveur de saumon du pays, font face à des accusations pénales. Ils sont soupçonnés d'avoir déversé un pesticide illégal dans les eaux du Nouveau-Brunswick pour lutter contre un parasite du saumon.

Les trois hommes, le PDG Glenn Cooke, le vice-président Micheal Smurda ainsi qu'un autre dirigeant, Randall Griffin, ont été accusés mardi, tout comme une filiale de l'entreprise, Kelly Cove Salmon.

En tout, ils font face à 11 chefs en vertu de la Loi fédérale sur les pêches. Pour chaque chef, ils sont passibles d'une amende de 1 million de dollars pour une première infraction, ou de 1 million et trois ans d'emprisonnement en cas de récidive.

Cooke Aquaculture distribue du saumon d'élevage partout au Canada sous les marques Heritage Salmon et True North Salmon Company.

Selon ce qu'affirme Environnement Canada, l'entreprise aurait employé de la cyperméthryne pour combattre le pou de mer, parasite du saumon. Ce pesticide, qui est aussi l'ingrédient actif du Raid, attaque tous les crustacés en touchant leur système nerveux.

Depuis quelques années, les pêcheurs de homards se sont plaints de retrouver leurs homards morts ou paralysés dans les cages ou les viviers.

«Les accusations font suite à deux enquêtes qu'Environnement Canada a ouvertes en novembre 2009 et février 2010 après des épisodes de mortalité de homards et l'usage présumé de pesticides à base de cyperméthryne», a expliqué Robert Robichaud, d'Environnement Canada.

«Ce qu'Environnement Canada allègue, c'est que Kelly Cove Salmon et les trois individus ont relâché ces pesticides dans Mace's Bay, Passamaquoddy Bay ainsi que dans les eaux entourant Deer Island et Grand Manan entre novembre 2009 et novembre 2010.»

Saumon d'élevage

Le saumon d'élevage est engraissé en mer dans des casiers flottants. Le sud-ouest du Nouveau-Brunswick est un important pôle de cette industrie, accusée d'être néfaste pour l'environnement, à cause de l'usage de pesticides et de la densité des élevages, qui produisent d'importantes déjections. Les écologistes soulignent aussi que le saumon est engraissé à partir de poisson sauvage.

L'industrie se défend en essayant d'améliorer ses pratiques et son marketing. La marque True North, en particulier, mise sur son côté «vert» et propose un produit certifié «Eco Label» par l'organisme Seafood Trust. Cette certification exige entre autres que les «traitements visant la santé des poissons doivent être administrés conformément aux autorisations et aux directives du fabricant [...] et d'une manière qui cause un impact minimal à la biodiversité et à l'environnement local».

En rapport avec les exigences de cette certification, le PDG Glenn Cooke a publié, en novembre 2010, une déclaration de politique environnementale dans laquelle il a affirmé que son entreprise allait «faire preuve de respect pour l'environnement de travail, soutenir le développement durable et adopter des pratiques d'affaires respectueuses de l'environnement».

Joint par La Presse, l'organisme de certification n'a pas pu indiquer hier si Cooke Aquaculture perdrait son «Eco Label» en cas de condamnation.

Matthew Abbott, de Fundy Baykeeper, organisation qui regroupe des écologistes et qui patrouille dans les eaux de la région, s'est réjoui des accusations.

«On est contents que les agents fédéraux fassent enquête et déposent des accusations, a-t-il dit. Parfois, on croirait que l'industrie de l'aquaculture est au-dessus de tout soupçon dans la région.»

«On est inquiets pour les homards, bien sûr, mais aussi pour tout l'écosystème, ajoute-t-il. Il y a plein de crustacés qu'on ne verra jamais, mais qui ont pu être tués. Par exemple, le zooplancton, qui est la base de la chaîne alimentaire, y compris pour les baleines et le hareng.»

Les accusés doivent se présenter en cour provinciale le 13 décembre prochain.

Nell Halse, porte-parole de Cooke Aquaculture, dit que l'entreprise vit des moments difficiles. Elle qualifie de «très offensive» la démarche d'Environnement Canada, allant même jusqu'à accuser le Ministère de «harcèlement». «Mais au moins, nous allons voir quelle est la nature de l'information qui sous-tend ces accusations», a-t-elle dit à La Presse. Elle croit que les ventes de l'entreprise vont se maintenir. «La qualité du produit n'est touchée d'aucune façon», dit-elle.