Les grands décideurs ont un rôle de premier plan à jouer pour freiner le réchauffement climatique, mais les citoyens ont du poids dans la balance, affirment des environnementalistes au lendemain de la publication d'un rapport alarmant des experts climat de l'ONU (GIEC).

«La science nous commande d'opérer un virage radical, de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et de les ramener à zéro d'ici 2050. Dès maintenant, nos choix d'investissements doivent se faire à travers cette lorgnette», estime Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace.

Cofondateur d'Équiterre et directeur principal, Steven Guilbeault affirme que le virage à prendre au Québec passe nécessairement par le transport. Il fait remarquer que partout dans le monde, des municipalités s'organisent pour devenir carboneutres, que ce soit en Inde, en Chine, même «sous les États-Unis de Donald Trump», dit-il.

«On n'est plus tout seuls. Le changement se fait de façon progressive, on peut avoir l'impression que ça n'avance pas. Mais pour quelqu'un comme moi, dans le milieu depuis 25 ans, il y a des choses qui se font. On le voit.»

Révolution électrique

Il y a trois ans, il n'y avait qu'une poignée de bornes électriques dans la région de Montréal. Aujourd'hui, la grande région en compte environ 1500, un nombre appelé à grimper d'ici trois ans. Selon M. Guilbeault, d'Équiterre, on est en train de vivre une véritable révolution dans les transports, à l'image du passage des chevaux à la voiture au début du XXe siècle.

«On est en train de vivre ça avec l'électrisation et l'automatisation. Dans 10-15 ans, les voitures à essence seront presque des pièces de collection. La Norvège a déjà annoncé l'interdiction de la vente de véhicules à essence en 2025. La France, la Grande-Bretagne et la Chine ont annoncé des interdictions pour 2030-2040. Et je pense que ça va aller encore plus vite que ça.»

Participation citoyenne

Selon le rapport du GIEC, il est encore possible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, rappelle Patrick Bonin, de Greenpeace. Les gouvernements ont un rôle et une responsabilité à jouer, mais on peut apporter notre contribution, dit-il.

«Individuellement, on consomme beaucoup trop et on consomme mal.»

«Faut repenser complètement notre façon de se déplacer. Il y a le transport collectif, mais aussi l'aménagement du territoire. Il y a aussi le télétravail en entreprises qui, par exemple, permet à un employé de diminuer de 20% ses émissions de gaz à effet de serre», ajoute M. Bonin.

Les efforts d'Ottawa et de Québec

À Ottawa, la ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, a réitéré hier l'engagement du Canada à limiter le réchauffement planétaire.

«Ensemble, on doit construire un avenir plus propre pour nos enfants et nos petits-enfants», a précisé la ministre McKenna. Elle s'est dite impatiente de poursuivre le travail en décembre à la conférence de Katowice, en Pologne, sur les changements climatiques.

Tout juste élu, le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) dit aussi avoir pris connaissance du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et compte «étudier attentivement ses conclusions».

«Nous nous sommes engagés, durant la campagne, à respecter les objectifs de réduction des gaz à effet de serre adoptés par la communauté internationale, précise l'attachée de presse Nadia Talbot. Nous comptons également favoriser les innovations technologiques en ce sens et favoriser l'exportation d'électricité propre chez nos voisins canadiens et américains, afin de remplacer la production à partir du gaz, du charbon et du nucléaire.»

Dans la foulée, le parti Québec solidaire (QS) a exhorté le premier ministre François Legault à présenter un «véritable plan» de lutte contre les changements climatiques. Durant la campagne, QS s'était engagé à régler la «dette environnementale», notamment grâce à des transports publics à moitié prix.

***

AILLEURS

En France, le président Emmanuel Macron a demandé que «tout le monde agisse maintenant» contre le réchauffement climatique, après le rapport du GIEC qui expose le risque d'un réchauffement de 1,5 °C dès 2030 à moins d'une transformation du monde à grande échelle. «Le rapport du GIEC le prouve scientifiquement : nous avons toutes les cartes en main pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais il faut que tout le monde agisse maintenant», a tweeté le chef de l'État.

Son message s'accompagne du mot-clé «One Planet Summit», sommet réunissant notamment de grandes entreprises qui s'engagent pour des actions en faveur du climat, largement mis de l'avant par la France. Il cite aussi la COP 24, qui doit se tenir en Pologne en décembre.

+ 1,5 °C

«Il est probable» que le réchauffement franchisse ce seuil entre 2030 et 2052 si le mercure continue de grimper au rythme actuel, selon le rapport du GIEC. Si la hausse est limitée à 1,5 °C, l'impact sur les espèces sera moindre : moins d'incendies de forêt, de pertes de territoire, d'espèces invasives. À + 1 °C, 4% de la surface terrestre change d'écosystème; à + 2 °C, ce sera 13%. Une augmentation de 1,5 °C limiterait l'acidification de l'océan. À + 1,5 °C, l'Arctique connaîtra un été sans banquise par siècle ; ce sera un par décennie à + 2 °C.

- D'après l'Agence France-Presse