Une coalition d'envergure regroupant des organisations environnementales, financières et syndicales somme le gouvernement du Québec de mettre en place des programmes d'adaptation et de protection des travailleurs dont les emplois seraient appelés à disparaître avec la transition vers une économie verte.

L'atteinte des cibles environnementales que le Québec s'est fixées, notamment en matière de réduction de gaz à effet de serre (GES) en 2015 suivant l'Accord de Paris sur le climat, ne se fera pas sans conséquence sur les travailleurs et collectivités impliqués dans les plans de réforme énergétique. Afin d'assurer une transition « douce et équitable » vers une économie propre, quelque 300 personnes de divers horizons ont pris part mercredi et jeudi derniers au Sommet pour une transition énergétique juste au Palais des congrès de Montréal. L'objectif du colloque était de trouver des façons d'aider les travailleurs et les entreprises du Québec à tirer profit des débouchés d'une économie axée sur l'utilisation d'énergies renouvelables faibles en carbone.

« Devant l'inévitabilité d'une transition énergétique, nous voulons être en mesure de la planifier et, pour ce faire, nous avons besoin de nous rassembler, a déclaré en marge de la conférence le responsable de la campagne Climat-Énergie de l'organisation Greenpeace, Patrick Bonin. Ce n'est pas possible de faire cette transition-là si on n'est pas tous dans le même bateau à ramer dans le même sens », a-t-il renchéri.

Au coeur de leurs revendications, les organisations rassemblées au sommet réclament des programmes de réorientation et de protection des travailleurs touchés par la réforme énergétique. Elles implorent aussi le gouvernement d'adopter des mesures fiscales qui inciteront les travailleurs à se convertir au développement durable, tout en pénalisant les plus grands émetteurs de GES de la province.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Serge Cadieux, insiste sur l'inaction du gouvernement québécois dans ce dossier : « Il y a un large consensus qui se dégage du sommet à l'effet qu'il manque un capitaine à bord. Jusqu'à maintenant, le gouvernement s'est contenté d'établir des cibles avec lesquelles il s'est pavané à la COP21 de Paris. Mais aujourd'hui, on est obligé de dire qu'il n'y a pas de plan qui ait été mis en place pour les atteindre. »

Et si le gouvernement possède réellement un plan d'action, soutient M. Cadieux, il ne peut se permettre de l'élaborer en cachette sans la participation active de la société civile, des syndicats, des employeurs, d'universitaires et de groupes environnementaux. La transition vers une économie verte doit, selon lui, se faire de manière concertée et impliquer le plus d'acteurs concernés que possible.

Les opportunités

En lever de rideau, la professeure en biologie de l'Université McGill et experte en conservation des forêts tropicales et changements climatiques, Catherine Potvin, a rappelé que la réforme énergétique intentée au Québec passe par trois axes principaux : l'efficacité énergétique, l'électrification sobre en carbone et la substitution de combustibles fossiles.

Le secteur de la construction serait donc porteur d'opportunités selon le spécialiste du consortium sur la climatologie régionale Ouranos, David Huard. Selon lui, l'adaptation des matériaux, des méthodes de construction et des procédés de planification des infrastructures s'inscrirait parfaitement dans une volonté de transition vers une économie verte.

Pour sa part, Catherine Potvin voit également de bonnes opportunités de réduction d'émissions de GES du côté du transport. Favoriser le transport actif et électrifier le transport public constitueraient selon elle un pas de plus vers une économie propre et responsable.

Un optimisme partagé

« On a de grands défis devant nous, mais il y a aussi beaucoup d'optimisme à avoir », a lancé à la salle le professeur du Département des sciences de la décision de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau.

Ce dernier a souligné que le Québec est la province canadienne qui émet le moins de GES par habitant avec une moyenne de 9,6 tonnes émises par année. En Saskatchewan et en Alberta, les émissions sont respectivement de 65,1 et 64,5 tonnes de GES par habitant par année.

M. Pineau a toutefois rappelé que, malgré son statut de premier de classe au Canada, le Québec consomme significativement plus d'énergie que la Norvège et la Suède, deux pays qui ont des climats et des conditions économiques assez similaires à ceux du Québec. Ce dernier y voit la preuve qu'il est possible de s'enrichir davantage en consommant moins.

Enfin, Mme Potvin a souligné que l'expertise du Québec pourrait trouver des débouchés à l'étranger vu le mouvement de décarbonisation qui gagne petit à petit les pays du monde entier. Selon elle, le Québec possède toutes les qualités pour devenir un leader mondial en la matière en aidant des pays dotés d'une main-d'oeuvre moins qualifiée à transiter vers une économie verte.