En pleine bataille juridique contre Pétrolia, le gouvernement Couillard impose une série de nouvelles contraintes aux entreprises pétrolières et gazières. Des mesures qui toucheront directement les projets dans l'île d'Anticosti et en Gaspésie.

Québec a discrètement publié un projet de règlement sur le pétrole, le gaz naturel et les réservoirs souterrains la semaine dernière. S'il est adopté tel quel, les entreprises de ce secteur devront forer plus loin des habitations, augmenter considérablement leur couverture d'assurance et verser jusqu'à des centaines de milliers de dollars de plus pour la restauration des sites.

Québec veut déplafonner la somme qu'une entreprise doit verser en guise de caution avant de commencer un forage. Cette somme, qui équivaut à 10 % du coût de l'opération, sert à payer la restauration du site à la fin de l'exploitation.

Jusqu'à maintenant, cette somme ne pouvait excéder 150 000 $, une limite qui va disparaître. Cela entraînera des coûts additionnels importants pour chaque forage.

Dans le cas de Pétrolia, par exemple, le forage du puits Haldimand IV à Gaspé a coûté 8,3 millions, selon des documents officiels. Cela veut dire que l'entreprise aurait été forcée de verser une caution de 830 000 $ au lieu de 150 000 $.

Plusieurs autres mesures toucheront directement Pétrolia, qui a récemment réclamé une injonction pour forcer le gouvernement à financer les forages prévus cet été dans l'île d'Anticosti.

Le règlement prévoit qu'il sera interdit de forer à moins de 100 mètres d'un parc national ou d'une aire protégée, et à moins de 600 mètres de la « zone de broyage » de la faille de Jupiter, à Anticosti. Des règles qui concernent directement le territoire convoité par Hydrocarbures Anticosti.

Québec souhaite également interdire les forages à moins de 500 mètres « de toute habitation ou [tout] édifice ». Cette mesure pourrait toucher le développement futur du projet Haldimand, à Gaspé, dont un puits se trouve à 350 mètres des maisons.

Québec précise que les puits qui ont déjà été forés en vertu des anciennes règles ne devront pas être fermés.

REDDITION DE COMPTES, ASSURANCES

Les sociétés pétrolières et gazières devront également communiquer au gouvernement une ribambelle de nouveaux renseignements techniques sur leurs activités, et le faire tous les deux jours plutôt que chaque semaine.

La loi obligeait jusqu'ici les entreprises à se doter d'une couverture d'assurance responsabilité de 1 million. Non seulement cette somme passera à 2 millions, mais Québec exigera aussi une assurance pollution de 2 millions, une assurance contrôle de puits de 10 millions et une « assurance complémentaire et excédentaire » de 8 millions.

En somme, la couverture d'assurance des entreprises devra passer de 1 à 22 millions. Cette mesure entraînera des coûts importants pour les entreprises, conviennent différentes sources dans l'industrie. En revanche, elle pourrait éviter une facture salée au gouvernement en cas de déversement.

Pétrolia a préféré ne pas commenter les changements réglementaires envisagés par Québec, hier. Mais l'entreprise n'a pas exclu que ces mesures aient un lien avec le litige qui l'oppose au gouvernement.



« ADÉQUAT, STRICT ET RIGOUREUX »

Au bureau du ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand, on sollicite des commentaires de l'industrie avant de finaliser l'adoption du règlement. On dit souhaiter un encadrement réglementaire « adéquat, strict et rigoureux » d'ici à l'adoption du projet de loi sur les hydrocarbures, déposé le mois dernier.

La porte-parole du ministre, Véronique Normandin, affirme que les mesures s'inspirent des meilleures pratiques observées ailleurs et de recommandations formulées dans le cadre des études environnementales stratégiques (ÉES) sur les hydrocarbures.

Elle assure que les nouvelles règles n'auront pas d'impact sur les activités « actuelles et futures » d'Hydrocarbures Anticosti, le consortium dont fait partie Pétrolia.

Certains dans l'industrie sont satisfaits que Québec impose des règles claires et prévisibles, même si elles sont sévères. Mario Lévesque, vice-président de Squatex, fait valoir que le projet permettra de rassurer la population quant aux risques de l'exploration, renforçant du coup l'acceptabilité sociale des projets.

M. Lévesque juge en revanche que certaines mesures sont beaucoup trop sévères. En outre, la distance séparatrice de 500 mètres entre les résidences et les forages que souhaite imposer Québec est de loin la norme la plus contraignante en Amérique du Nord.

« C'est comme si on obligeait tous les véhicules au Québec à avoir des cages de sécurité à l'intérieur et des harnais cinq points pour chaque siège », illustre-t-il.