L'Ontario a tranché: dès le mois prochain, les agriculteurs devront considérablement réduire leur utilisation de néonicotinoïdes, ces pesticides que l'on croit en partie responsables du déclin dramatique des colonies d'abeilles. Québec suit de près la situation.

Qu'est-ce que c'est?

Les néonicotinoïdes, souvent appelés néonics, sont surtout présents dans ce qu'on appelle les semences enrobées. Le pesticide entoure la graine qui sera plantée en terre, offrant ainsi un traitement préventif contre les insectes. 

Équiterre et la Fondation David Suzuki ont déposé hier une pétition de 36 000 noms qui demande au gouvernement québécois d'interdire ces pesticides. Le Canada autorise le recours aux néonics, utilisés surtout dans la culture du soya et du maïs, depuis 2004. Toutefois, ils sont sous la loupe depuis quelques années, tant en Amérique du Nord qu'en Europe, où l'on a imposé un moratoire sur leur usage en 2013. La France va aussi interdire leur utilisation à partir de janvier 2016.

On retrouve aussi des néonicotinoïdes dans certains produits de jardinage, notamment ceux servant à combattre les vers blancs.

Pourquoi les abeilles?

« Les abeilles ne sont pas attirées par le maïs ou le soya », explique l'apiculteur Alexandre Gardner, qui était présent hier à la conférence de presse d'Équiterre. Toutefois, la pression exercée sur le sol lors du semis soulève une poussière qui va transporter des particules de pesticides dans l'air. Ces particules se déposeront ensuite sur les fleurs qui seront pollinisées par les abeilles. Alexandre Gardner travaille dans la région de Victoriaville. Il affirme que ses abeilles ont été intoxiquées aux néonics l'année dernière et craint que la situation ne se reproduise cette année. « Les butineuses ne reviennent pas à la ruche, dit-il. Elles sont désorientées. » L'apiculteur a perdu de 5 à 7 % de ses reines. Certaines de ses abeilles tremblent et ne peuvent plus voler.

Qu'en disent les scientifiques? 

L'année dernière, une analyse internationale sur les néonicotinoïdes, s'appuyant sur 800 études, a conclu que ces insecticides systémiques ont des effets néfastes sur les abeilles ainsi que sur d'autres espèces, comme les papillons, les oiseaux et les poissons. « Quand on parle d'impact, ce n'est plus seulement une hypothèse controversée », dit la biologiste Madeleine Chagnon, de l'Université du Québec à Montréal. « Ça dépasse le problème des abeilles, dit-elle, c'est un problème d'environnement. »

Qu'en pensent les agriculteurs?

Les règles ontariennes dévoilées la semaine dernière visent à réduire de 80 % la culture à partir de semences enrobées. En fait, explique le directeur général d'Équiterre, Sidney Ribaux, les agriculteurs ne pourront pas les utiliser à moins d'avoir la preuve qu'ils en ont vraiment besoin pour contrôler un problème de parasites, plutôt que de les utiliser de manière préventive. La province canadienne est le seul endroit en Amérique du Nord où l'on impose des restrictions sur l'utilisation de ces pesticides. 

Le président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec, Christian Overbeek, estime que l'Ontario est allé trop vite et trop loin. Au Québec, depuis 2012, la Fédération conseille aux agriculteurs de « faire une utilisation judicieuse » des néonics. « Dans certaines circonstances, ça peut être justifié pour augmenter les rendements », explique M. Overbeek qui a lui-même cessé d'utiliser des néonics pour une partie de son maïs.  

La Fédération poursuit également sa sensibilisation auprès de ses membres afin qu'ils réduisent l'exposition des pollinisateurs aux poussières produites lors des semis. 

Que dit le ministre?

Le dossier des pesticides de la famille des néonicotinoïdes  ne relève pas du ministère de l'Agriculture (MAPAQ), mais du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

« Afin de proposer un resserrement des conditions d'utilisation des pesticides les plus à risque en milieu agricole, une stratégie est actuellement en élaboration au Ministère, a déclaré le ministre David Heurtel, hier. Nous saluons les récentes actions de l'Ontario, d'ailleurs nos experts sont en lien avec leurs homologues de l'Ontario afin de mettre en place des actions semblables dans ce dossier. »