L'Indonésie, qui abrite le troisième bassin de forêts équatoriales dans le monde, a prolongé mercredi de deux ans son moratoire sur les permis de défrichement, adopté en 2011, sans cependant convaincre les écologistes qui le considèrent comme un échec.

La prolongation, annoncée par le bureau du président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, ne concerne pas les permis émis avant l'adoption du moratoire actuel, entré en vigueur en mai 2011, mais seulement les nouvelles licences d'exploitation des forêts primaires et des tourbières, dont la destruction est considérée comme responsable d'importantes émissions de gaz à effet de serre.

L'actuel moratoire avait été annoncé en 2011 par le président comme un moyen de respecter ses engagements très ambitieux de réduire les émissions de l'Indonésie d'au moins 26% d'ici à 2020.

Ce gel avait été mis en oeuvre dans le cadre d'un accord avec la Norvège, qui s'est engagée à consacrer jusqu'à un milliard de dollars à un programme soutenu par l'ONU et baptisé REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts).

Selon les Nations unies, la déforestation représente 70% des émissions de l'Indonésie, 18e économie mondiale, mais troisième émetteur de CO2. L'archipel de 240 millions d'habitants possède le troisième bassin de forêts équatoriales dans le monde, après le Brésil et la République démocratique du Congo.

Les forêts primaires indonésiennes abritent de plus certaines des espèces animales les plus menacées de la planète, comme les orangs-outans ou les éléphants et tigres de Sumatra.

Le gouvernement indonésien affirme que le moratoire a réussi à grandement limiter la déforestation, la faisant passer de 1,125 million d'hectares par an en moyenne entre 2000 et 2010 à environ 450 000 hectares en 2011, selon le ministère des Forêts.

Les organisations écologistes contestent ces chiffres.

«Les sociétés et les gouvernements locaux ont trouvé toutes sortes de façons de contourner l'interdiction», regrette Zenzi Suhadi, de l'ONG Friends of the Earth.

Une coalition d'organisations emmenée par Greenpeace avait en début de ce mois qualifié le moratoire d'échec. «Il n'a pas réussi à faire cesser l'attribution de nouveaux permis. Aucune action n'est prise pour le faire appliquer», avait estimé un porte-parole de la coalition début mai.

Selon Greenpeace, le moratoire laisse «près de la moitié des forêts primaires et des tourbières sans aucune protection».

«Ce qui est réellement nécessaire, c'est de renforcer le moratoire afin qu'il couvre l'ensemble des forêts et tourbières», a estimé l'organisation dans un communiqué diffusé après l'annonce de la prolongation. «Comme nous l'avons déjà montré, le statu quo n'est pas suffisant pour garantir que l'ensemble des forêts et tourbières sont protégées».

Les écologistes dénoncent en particulier un projet dans la province d'Aceh (nord-ouest) visant à raser environ un million d'hectares de forêts, selon eux, soit à peu près la superficie de Chypre.

Le nouveau zonage doit être adopté dans les semaines à venir, selon le gouvernement indonésien, qui assure que seuls 200 000 hectares de forêts sont concernés. Les autorités affirment que ce projet ne va pas à l'encontre de l'actuel moratoire, car il s'agit de la réactivation d'anciens permis d'exploitation.

La moitié des forêts indonésiennes ont disparu en cinquante ans, soit l'équivalent de six terrains de football chaque minute, selon les ONG, souvent pour faire place aux exploitations d'huile de palme, dont l'Indonésie est le premier producteur mondial.

La surface plantée en palmiers a été multipliée par près de 27 dans l'archipel en une vingtaine d'années, selon des chiffres officiels. Et le pays a pour ambition d'augmenter de plus de 60% sa production d'huile de palme d'ici à 2020.