Le Canada ne fait pas suffisamment d'efforts pour protéger la biodiversité marine, et les orientations du dernier budget ne sont pas rassurantes à cet égard, selon un nouveau rapport de la Société pour la nature et les parcs (SNAP).

Le Canada a le plus grand littoral au monde, mais ne protège que 1% de son territoire marin, rappelle la SNAP, qui milite pour la création de 12 aires marines protégées.

«À la lumière du budget fédéral de 2012, nous sommes soucieux de savoir si le gouvernement, les scientifiques indépendants et les communautés locales disposeront d'un financement nécessaire... en vue d'assurer une protection à long terme de la biodiversité marine», affirme la SNAP dans un rapport dévoilé ce matin.

Créer 12 aires marines

L'an dernier, l'organisme a mis au défi les gouvernements et communautés autochtones de faire avancer la création de 12 aires marines totalisant potentiellement 135 000 km2.

Un an plus tard, la SNAP juge «significatifs» les progrès réalisés pour trois projets d'aires marines situées au large de la Colombie-Britannique.

Les progrès sont nuls ou insuffisants pour trois autres projets.

Enfin, pour six aires marines projetées, dont trois seraient situées au large du Québec, la SNAP enregistre «certains progrès».

Selon Jérôme Spaggiari, coordonnateur en conservation pour la SNAP Québec, les choses pourraient s'accélérer dans la province. La semaine dernière, Ottawa et Québec ont annoncé la formation d'un comité qui étudiera l'aire marine protégée proposée aux Îles-de-la-Madeleine.

«On est satisfaits parce qu'on entrevoit une collaboration du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, dit M. Spaggiari. Ça marche aussi bien entre le gouvernement fédéral et le Grand Conseil des Cris. Ils ont signé un accord qui prévoit spécifiquement la création d'une aire marine protégée.»

«Mais même si tous les projets aboutissaient, on serait encore loin de protéger 10% des aires marines au Québec d'ici 2015, objectif que le gouvernement provincial s'est fixé en 2011», dit-il.

L'Australie et la France se sont toutes deux engagées à protéger 20% de leur territoire marin d'ici 2020.

Espèces en péril

Le rapport de la SNAP est publié une semaine après le plus récent bilan du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). On y constate la détérioration des perspectives pour trois espèces marines fréquentant les eaux québécoises, dont l'anguille d'Amérique.

La situation de l'anguille était jugée préoccupante en 2006, et on considère maintenant qu'elle est menacée de disparition. «La dégradation continue de l'habitat, particulièrement en raison des barrages et de la pollution, et les pêches existantes au Canada et ailleurs peuvent limiter [son] rétablissement», affirme le COSEPAC.

«Ce sont des indices ponctuels, parce que le COSEPAC n'est pas capable de suivre en temps réel la biodiversité, dit M. Spaggiari. Mais cela montre la dégradation de l'état de la biodiversité marine.»

Les aires marines protégées ont fait leurs preuves, affirme-t-il. «Pour protéger les espèces, il faut protéger leur habitat. En gros, il peut y avoir de la pêche même à l'intérieur d'une aire marine protégée. Mais il doit y avoir des zones où toute activité est interdite. Quand on fait ça, on a de bons résultats. La pêche s'améliore en bordure de la zone restreinte, ce qui permet de soutenir les activités économiques.»

Alors que, mondialement, on commence à récolter les fruits de la protection de l'habitat du poisson, notamment dans le golfe du Maine, le gouvernement fédéral envisage de modifier la Loi sur les pêches dans le sens contraire. Ces propositions apparaissent dans le projet de budget fédéral.

«De ce qu'on comprend, on ne protégerait que les espèces jugées importantes pour l'homme et on aurait moins de moyens pour protéger leur habitat, dit M. Spaggiari. Se concentrer uniquement sur les espèces, ça ne suffira pas.»