La promesse de protéger la moitié du Nord québécois contre tout développement industriel d'ici 2035 se concrétisera trop tard, après une ruée vers le Nord qui pourrait ravager la région, plaident les groupes écologistes.

Six cent mille kilomètres carrés du Nord québécois, une zone aussi grande que la France, restera vierge de tout développement humain, a promis vendredi le ministre québécois de l'Environnement, Pierre Arcand, dans le cadre du fameux Plan Nord de son gouvernement.

«Nous sommes fiers de nous porter garants de la pérennité de ce patrimoine», a déclaré le ministre Arcand.

Les barrages hydroélectriques, les mines et même les éoliennes seront bannies de la région protégée. Aucune route ne pourra y être construite et aucune exploitation forestière ne pourra y avoir lieu.

Mais la protection de ce grand territoire n'est pas pour demain. Québec évalue qu'il lui faudra 25 ans pour y arriver.

Selon Christian Simard, porte-parole de Nature-Québec, c'est trop peu trop tard.

«Il y a une impression de conservation, mais malheureusement tout ça vient après un développement économique intensif au cours des prochaines années au niveau minier, au niveau des routes et éventuellement au niveau hydroélectrique», a-t-il critiqué.

«On développe d'abord, on va essayer de conserver ensuite.»

Le ton est encore plus dur au Parti québécois, qui rejette en bloc le Plan Nord du premier ministre Charest.

«C'est le miel pour nous faire avaler la couleuvre», a lancé Martine Ouellet, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'Environnement, en entrevue téléphonique.

«C'est quoi ces réserves naturelles dont on déplace les frontières? Ils ne savent pas où ils s'en vont, ils font du marketing vert.»

Mme Ouellet accuse le gouvernement Charest d'aider les entreprises étrangères à dilapider les ressources du Nord québécois en leur offrant des routes et d'autres infrastructures sur un plateau d'argent.

«Réserves à roulettes»

Québec se réserve le droit de retirer certaines zones du territoire protégé advenant, par exemple, qu'un important gisement minier ou qu'une autre ressource y soit découvert. Le ministre Arcand a toutefois fait valoir vendredi qu'il s'agirait d'un processus d'exception, que Québec éviterait autant que possible.

«Ce processus-là, je dois vous dire, il est très complexe, très difficile à faire. Il implique la notion d'intérêt public, implique des notions très importantes de consultation et d'acceptation de la population», a affirmé vendredi M. Arcand.

«On va s'organiser pour connaître suffisamment le terrain, suffisamment le sol pour ne pas qu'au bout de quelques semaines on y trouve une mine de quelque chose ou une ressource naturelle quelconque.»

Le ministre ne rassure toutefois pas Christian Simard, qui craint de voir des «réserves à roulettes», transférables à gré, être établies sur le territoire.

«Au bout du compte, est-ce qu'on parle de réelle conservation?», s'est questionné M. Simard.

Les entreprises spécialisées dans l'exploitation des ressources naturelles pourront d'ailleurs faire entendre leur voix bien avant l'établissement de la zone de protection. Des minières demanderont au ministère d'écarter certaines régions potentiellement intéressantes pour elles, alors que des environnementalistes suggéreront d'inclure des écosystèmes fragiles, a prédit M. Arcand.

«On n'a pas mis de balise. Il y a des gens qui ont identifié des territoires», a-t-il reconnu vendredi.

Une première consultation publique de deux mois, à la fois par le biais d'Internet et de séances publiques, se poursuivra jusqu'en octobre.

En conférence de presse, vendredi, Pierre Arcand a reconnu que le gouvernement n'avait pas calculé les retombées économiques sur lesquelles il faisait une croix en assurant la virginité d'une aussi grande partie du Nord québécois. «Mais je pense qu'à long terme, je crois que c'est quelque chose qui est très bénéfique pour l'ensemble du Québec», a plaidé le ministre.

Sans vouloir préciser, il a affirmé que Québec investirait des «centaines de millions» de dollars au cours des prochaines décennies pour protéger la zone.

À terme, en 2035, 600 000 kilomètres carrés de territoire devraient être protégés. En guise de première étape, 12 pour cent du territoire du Plan Nord seront protégés d'ici 2015, a annoncé le ministre.

Québec prévoit aussi créer, d'ici 2020, des zones protégées contre le développement industriel, mais ouvertes au tourisme et aux projets communautaires.

Actuellement, 20 pour cent du territoire du Plan Nord fait l'objet d'un développement industriel et tout près de 10 pour cent est protégé.