Faute d'autoriser l'élevage de poules sur son territoire, l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie y va d'une «révolution verte» bien plus ambitieuse. Pour la première fois au Canada, en vertu de la vague de modifications annoncées hier, une administration municipale obligera ses citoyens à opter pour des toits blancs ou verts. Au nom de la lutte contre les îlots de chaleur, les propriétaires de nouveaux stationnements seront en outre tenus de verdir 15% de leur surface.

De plus, exigence «très contraignante et jamais vue à Montréal» selon le maire de l'arrondissement, François W. Croteau, toute nouvelle construction devra réserver au moins 20% de son terrain à l'aménagement paysager - pelouse, arbres, plantes.

«On s'apprête à faire ni plus ni moins qu'une révolution verte dans Rosemont-La Petite-Patrie, affirme le maire Croteau, élu pour la première fois en novembre 2009 sous la bannière de Vision Montréal. On doit s'assurer de corriger les erreurs du passé. C'est un premier pas dans ce qu'on espère être une amélioration globale de la façon de gérer notre ville.»

Dans le cadre de son doctorat en études urbaines à l'Université du Québec à Montréal, M. Croteau s'est intéressé de près aux effets nocifs des îlots de chaleur. Son administration s'est donné la mission de les réduire en s'attaquant aux stationnements en bitume et aux toits plats goudronnés. «C'est un impact excessivement néfaste pour la qualité de vie. Plus l'air est chaud, plus les particules polluantes sont nocives.»

L'élimination des toits plats noirs se fera graduellement puisque seules les nouvelles constructions et les rénovations sont assujetties au règlement. Les constructeurs d'immeubles de huit logements et plus devront en outre offrir des stationnements souterrains, tandis que les stationnements extérieurs devront être recouverts de matériaux réfléchissants et perméables.

Une fleur pour les vendeurs

Ce règlement «omnibus énorme», qui fait 27 pages, modifie des dizaines d'articles du Règlement d'urbanisme. Il sera soumis à la consultation populaire le 1er décembre prochain. La plupart des changements entreront en vigueur au début de l'année prochaine; d'autres - essentiellement ceux qui concernent le stationnement - pourront faire l'objet de référendums.

Parmi ceux-ci, une «fleur» aux contribuables de l'arrondissement: le droit de tenir quatre fois par année, à dates fixes, des ventes-débarras. Fait pratiquement inconnu, les «ventes de garage» sont interdites sur le territoire de l'ancienne Ville de Montréal, sauf dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville. Elles seront dorénavant également autorisées, mais strictement encadrées dans Rosemont-La Petite-Patrie. Les fonctionnaires n'auront plus de tolérance, par exemple, pour les ventes-débarras permanentes ou celles qui empiètent de façon exagérée sur la voie publique.

Autre cadeau aux contribuables, on facilite dorénavant l'obtention de permis, notamment pour les résidants des secteurs dits «significatifs» comme la rue Saint-Denis ou le parc Molson. Ces permis, dont le délai de délivrance était en moyenne de deux mois, n'auront plus à être approuvés par le comité consultatif d'urbanisme. Leur traitement par des responsables municipaux à l'interne devrait prendre moins de deux semaines, assure-t-on à l'arrondissement.

Quant à l'autorisation d'élever des poules en milieu urbain, une possibilité qui avait émoustillé les médias l'été dernier, elle semble être sur une voie de garage. «Le maire a toujours dit qu'il ne fallait pas que ça coûte un sou à l'arrondissement, explique Louis Tremblay, porte-parole. C'est plus un buzz médiatique... C'est étudié au même titre que d'autres mesures de développement durable, mais on n'a rien de prévu à ce sujet.»

Toits verts, blancs ou roses?

Le nouveau règlement ne touchera que les toits noirs dont la pente est inférieure à 16,7%. Le noir a la particularité physique d'absorber les rayons et d'emmagasiner la chaleur dans les maisons. La solution: une couleur ou un revêtement qui a plutôt tendance à renvoyer - «réfléchir» pour être exact - les rayons solaires. C'est le blanc qui fait le meilleur travail à ce chapitre, mais les couleurs pâles sont généralement acceptables. Côté technique, l'arrondissement demandera que le toit soit recouvert d'un matériau ou de peinture dont la réflectance solaire sera d'«au moins 78», ce qui correspond à la norme LEED. L'autre option, acclamée par les écologistes: le toit vert, ou végétal, qui consiste à «transformer sa toiture en jardin», explique un dépliant du gouvernement du Québec. Il prolonge la durée de vie du toit, sert d'isolant sonore et atmosphérique, purifie l'air des villes et réduit l'évacuation des eaux vers les égouts. Le hic: il coûte de 3 à 10 fois plus cher qu'un toit traditionnel. Karim Benessaieh