Loin du faste qui accompagne traditionnellement les sommets du G8, les discussions sur le climat, la relance économique et l'Iran ont pour décor les ruines de la ville de L'Aquila, ravagée par un tremblement de terre en avril. À l'image des victimes du séisme, ambivalentes quant à la tenue d'un tel événement dans leur région, les dirigeants des pays industrialisés ont affiché leurs divisions, hier.

Les ONG environnementales espèrent que le sommet du G8 de L'Aquila ouvrira la voie à la conclusion d'un accord mondial ambitieux sur la réduction des gaz à effet de serre avant la fin de l'année. Mais l'exercice s'annonce difficile.

 

L'hôte du sommet, Silvio Berlusconi, a indiqué hier que les membres de l'organisation des pays industrialisés étaient d'accord sur la nécessité d'engagements substantiels mais qu'ils se butaient à la «résistance» de pays émergents comme la Chine et l'Inde, réticents à accepter des cibles susceptibles de freiner leur croissance.

Dans une déclaration émise en soirée, les membres du G8 soulignent qu'ils souhaitent «partager avec les autres pays» du monde l'objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% pour 2050.

Ils disent vouloir réduire leurs propres émissions de 80% mais ne précisent pas à partir de quelle année de référence le pourcentage doit être calculé, ce qui limite la portée de l'engagement.

Seuil critique

Les membres du G8 disent par ailleurs pour la première fois à l'unisson qu'il faut plafonner le réchauffement à 2ºC, seuil critique qu'ont déterminé les chercheurs.

Le premier ministre canadien Stephen Harper s'est félicité en soirée que la déclaration soit plus «musclée» que par le passé. Une évolution qu'il a attribuée à la nouvelle orientation de l'administration américaine.

Le sujet du réchauffement climatique doit être discuté aujourd'hui au sein d'un forum élargi de 17 pays qui regroupe les États responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre de la planète.

Il a été mis en place à l'initiative du président américain Barack Obama, qui souhaite une entente ambitieuse avant la rencontre prévue à Copenhague en décembre pour rédiger un nouveau protocole de réduction devant succéder à celui de Kyoto.

M. Harper a dit qu'il serait difficile de trouver un consensus avec les pays émergents mais qu'il était dans leur intérêt d'y parvenir puisqu'ils risquent d'être plus touchés par le réchauffement climatique.

Le gouvernement canadien, qui ne montrait guère d'enthousiasme à discuter des questions environnementales à l'approche du sommet du G8, a souligné lundi soir, à la veille de la rencontre, qu'il était d'accord pour tenter de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2ºC d'ici 2050.

Ottawa cède à la pression

«Le Canada reconnaît le consensus scientifique existant voulant que l'accroissement de la température par rapport au niveau enregistré à l'époque pré-industrielle ne devrait pas excéder 2ºC», a souligné dans un courriel le porte-parole de Stephen Harper, Dimitri Soudas, reprenant sans l'évoquer la formulation de la déclaration à venir du G8.

Lors d'un point de presse, hier, M. Soudas a assuré que le pays avait adopté cet objectif «depuis longtemps». Le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, avait abordé la question en mars sans formuler d'engagement précis.

Clare Demerse, porte-parole de l'Institut Pembina, ONG environnementale, affirme que le Canada n'avait jamais publiquement souscrit à cet objectif de température et qu'il a finalement cédé à la «pression internationale».

L'adoption du seuil de 2ºC doit amener le pays à revoir substantiellement à la hausse ses objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre, à moyen et à long terme, souligne-t-elle.

«Il y a une grande différence entre dire que l'on adhère au consensus scientifique sur les effets néfastes de l'obésité et dire que l'on va entreprendre un régime», indique Mme Demerse, qui parle d'un effort «mitigé» de la part des pays du G8.

Le plan canadien prévoit réduire les émissions du pays de 20% en 2020 par rapport au niveau de 2006 et de 60 à 70% par rapport à celui de 1990.

»Surprise» russe

À peine annoncé, l'objectif de réduction de 80% des émissions de gaz à effet de serre a été dénoncé à la surprise générale par la Russie qui l'a jugé «inacceptable».

«Pour nous, le chiffre de 80% est inacceptable et probablement hors d'atteinte», a estimé devant la presse russe le principal conseiller économique du président Dmitri Medvedev, Arkady Dvorkovitch.

«Nous n'allons pas sacrifier la croissance économique à la seule fin de réduire les émissions» polluantes, a-t-il ajouté. Il a toutefois refusé de préciser quel objectif lui paraîtrait acceptable, jugeant la question prématurée.

«Les calculs sont en cours. Différents scénarios sont possibles», a-t-il dit en évoquant une échelle de 20 à 60% de réduction d'ici 2050.