Le gouvernement conservateur lance des consultations en vue de créer un système canadien de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre (GES), premier pas vers la création d'un marché du carbone. Le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, a dévoilé hier à Ottawa deux documents préliminaires qui serviront de cadre pour réglementer un tel système de crédits compensatoires.

À terme, le système devrait prévoir un prix pour le carbone, et les entreprises pourront acheter ou vendre des crédits, selon qu'elles émettent au-dessus ou au-dessous des limites imposées par une réglementation qui n'a toutefois pas encore été annoncée par le gouvernement.Cet «élément important» du plan de lutte contre les changements climatiques «nous aidera à réaliser nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre dans tous les secteurs de l'économie», a souligné M. Prentice, dans une allocution devant le Club économique du Canada.

Les groupes, entreprises et autres intervenants ont 60 jours pour formuler des commentaires au gouvernement sur le système proposé.

Mais l'annonce faite en grande pompe par le ministre de l'Environnement a été reçue avec scepticisme par l'opposition à Ottawa et les environnementalistes.

«C'est insignifiant comme annonce, a estimé Sidney Ribaux, coordonnateur d'Équiterre. C'est un élément minuscule d'un des morceaux - la Bourse du carbone - d'un plan de réduction des gaz à effet de serre. C'est comme si on achetait une poignée de porte avant même de décider quelle maison on allait acheter, dans quel quartier, avec quel type de porte et de quelle couleur.»

Matthew Bramley, de l'Institut Pembina, abonde dans le même sens, estimant que ces crédits compensatoires serviront surtout aux grands émetteurs de GES, qui pourront ainsi éviter de s'acquitter de leurs obligations de réduction des émissions. «Nous sommes inquiets qu'il y ait un risque significatif qu'on finisse par octroyer des crédits à des projets qui auraient eu lieu de toute façon et de cette façon miner l'intégrité environnementale du plafond futur, a souligné M. Bramley. Ce n'est pas un mécanisme pour réduire les émissions. Le résultat, c'est qu'on déplace les émissions, mais on n'a pas de réduction nette.»

«M. Prentice n'a jamais démontré comment c'est possible de procéder avec la réglementation et un système de permis et d'échange sans aller vers des réductions absolues, a dit David McGuinty, critique libéral en environnement. Nous n'avons rien vu. Il n'y a pas de plan. Il n'y a pas de réglementation.»

Une importante séance de négociations se déroule actuellement à Bonn, en prévision de la conférence internationale de Copenhague, qui doit préparer l'après-Kyoto. Mardi, la coalition internationale d'organismes environnementaux CAN (Climate Action Network) a décerné au Canada, ex aequo avec le Japon, le prix «Fossile du jour», remis au pays jugé le plus enclin à bloquer la progression des négociations en cours.

Le Canada plus transparent que ses voisins

Le Canada fait meilleure figure que les États-Unis et le Mexique lorsqu'il est question de rendre publiques les quantités de polluants industriels rejetés par ses établissements. Une étude rendue publique hier par la Commission de coopération environnementale révèle une augmentation de 57% entre 1998 et 2005 du nombre d'établissements canadiens qui rendent compte de leur pollution industrielle.

Au cours de la même période, les États-Unis ont vu une diminution du nombre d'établissements qui ont dévoilé leurs quantités de polluants industriels rejetés. Le Mexique a commencé à comptabiliser de telles données il y a deux ans, selon le responsable du projet, Orlando Cabrera.

Le Canada est également le seul pays qui fait état de ses émissions de sulfure d'hydrogène par les secteurs pétrolier et gazier. Ces émissions comptent pour plus de 90% de tous les déchets toxiques rapportés par l'industrie pétrolière canadienne en 2005.