Forer le sol jusqu'à deux kilomètres de profondeur pour pomper l'eau afin de chauffer quelque 12 000 appartements: un grand projet géothermique est actuellement en cours à Paris, où les sols recèlent un vaste potentiel pour cette énergie renouvelable.

Le forage a commencé en février dans le nord de la capitale, sur un site désolé coincé entre le périphérique et le canal Saint-Denis.

Un mât de 36 mètres de haut surplombe l'amas de machines de forage disséminées sur le chantier.

«Il faut renforcer la robustesse des villes faces aux crises énergétiques potentielles, en développant nos propres potentialités», explique Denis Baupin, adjoint écologiste au maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë.

En matière de géothermie, «la France est globalement en retard sur les autres pays européens, parce qu'on a sous-investi dans les énergies renouvelables», ajoute-t-il.

«Plus vous creusez profondément, plus l'eau est chaude», explique Michel Galas, responsable de la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU), qui supervise les travaux de forage jusqu'à près de deux kilomètres de profondeur dans le sol.

A cette strate géologique, l'eau atteint naturellement les 57 degrés celsius. Elle peut alors être remontée en surface pour alimenter le réseau de chaleur destiné au chauffage des bâtiments.

«C'est de l'énergie 100% renouvelable», souligne M. Galas, ajoutant que le forage va se poursuivre jour et nuit pendant trois mois pour atteindre la profondeur requise.

Ensuite, un échangeur de chaleur sera construit en surface, pour faire remonter l'eau chaude et la transférer dans le réseau de chauffage, qui devrait bénéficier à quelque 12.000 appartements d'un quartier résidentiel prévu pour 2011.

Coût du projet: 31 millions d'euros dont 5,4 millions d'euros de subventions de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie et de la Région Ile de France.

L'utilisation de cette énergie naturelle permettra d'éviter l'émission de 14.000 tonnes de CO2 par an, selon M. Galas. On peut comparer ce chiffre à celui qu'émettrait une voiture sur un voyage de 470.000 kilomètres.

La géothermie fournira 54% des besoins énergétiques de cette nouvelle zone résidentielle, selon lui.

Selon M. Galas, une trentaine de sites dans la région parisienne utilisent déjà l'énergie géothermique depuis les années 70 et 80.

«Pendant 25 ans, il n'y a pas eu de nouveaux projets parce que le prix du baril de pétrole avait baissé, mais au cours des dernières années, la conscience accrue des questions environnementales, combinée à la hausse du baril, ont renouvelé l'intérêt pour cette technique», dit-il.

La géothermie est utilisée depuis les Romains. L'eau puisée peut être utilisée pour le chauffage ou pour produire de l'électricité. La chaleur des profondeurs de la terre atteint en moyenne 14° celsius, quelle que soit la saison.

En Islande, pays des geysers, un quart de l'électricité produite vient d'usines géothermiques, tandis que les neuf dixièmes des immeubles sont chauffés au moyen de cette énergie.

La géologie de la France ne permettrait pas une utilisation de cette énergie à une telle échelle, mais il existe un important potentiel inutilisé.

Le succès n'est cependant pas toujours garanti. Un projet parisien a été ainsi abandonné en 2007 après que le forage eut révélé d'insuffisantes ressources en eau, reconnaît M. Baupin.

«Il ne s'agit pas de rendre Paris auto-suffisant energétiquement, ça paraît un objectif trop ambitieux, mais de nous rendre moins vulnérables face à des crises énergétiques éventuelles», dit-il.