Ottawa créera prochainement une toute nouvelle table fédérale-provinciale portant exclusivement sur les questions climatiques. Cette ouverture nouvelle du gouvernement Harper permettra aux provinces d'avoir leur mot à dire dans l'élaboration du successeur au protocole de Kyoto.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, a en effet confié qu'il travaillait à l'implantation d'un mécanisme lui permettant d'échanger plus fréquemment avec ses homologues provinciaux.

 

Cette initiative n'est pas étrangère aux récentes déclarations du premier ministre du Québec, Jean Charest, qui a qualifié le retard du Canada en matière environnementale de «frappant», le 31 janvier dernier à Davos.

Quatre jours plus tard à Ottawa, M. Prentice rencontrait son homologue québécoise, Line Beauchamp. Lors de cette rencontre qualifiée de «très cordiale» par les deux parties, le Québec a suggéré que soit mis en place un lieu de discussions permanent sur les négociations internationales sur le climat.

«Nous avons alors parlé d'une table, sur laquelle nous travaillons actuellement, a précisé M. Prentice. Pour atteindre les succès auxquels nous aspirons, nous devrons travailler en tant que fédération, nous devrons travailler avec tous nos partenaires.»

Une telle table fédérale-provinciale servirait à rapprocher les parties qui, depuis l'élection des conservateurs en 2006, s'étaient passablement éloignées sur le front environnemental, particulièrement Ottawa et Québec.

Selon nos informations, le Québec s'était d'ailleurs plaint en privé, lors de la conférence de Poznan en décembre 2008, de ne rien connaître des positions canadiennes avant qu'elles soient formulées publiquement. L'Alberta avait fait le même constat.

Aujourd'hui, l'attitude du fédéral est nettement plus rassembleuse. Même que M. Prentice refuse de s'attarder aux récentes critiques du premier ministre québécois. «Les commentaires de M. Charest faisaient référence à ce qui est derrière nous, je regarde maintenant en avant, a-t-il dit. La manière dont le Québec a développé son potentiel énergétique lui permet de se positionner positivement dans les discussions au sein de la fédération canadienne.»

Préparer Copenhague

À Québec, on se fait toutefois plus circonspect, notant que les discussions n'en sont qu'à leurs balbutiements. «Il y a effectivement eu des échanges lors de la rencontre entre les deux ministres pour voir de quelle manière un tel mécanisme peut être mis en place», s'est contenté de dire Dave Leclerc, porte-parole de la ministre.

Selon les informations glanées dans les deux capitales, cette future table fédérale-provinciale servira d'abord et avant tout à préparer le chemin pour la conférence sur le climat de Copenhague, en décembre, où sera élaboré le successeur du protocole de Kyoto.

En un deuxième temps, elle pourrait être utilisée comme lieu d'échanges dans le cadre d'une approche environnementale commune à l'Amérique du Nord. Les provinces pourraient ainsi participer au positionnement du Canada face aux États-Unis.

Selon une source proche du dossier, cela rappelle l'époque où les relations étaient plus harmonieuses entre Ottawa et les provinces sur les questions environnementales, notamment lorsque les libéraux étaient au pouvoir. Une table de discussions similaire à celle prévue par les conservateurs existait d'ailleurs dans le passé, note-t-on.

Par contre, même si les libéraux nourrissaient de bonnes relations avec les provinces, notons qu'ils ont fixé unilatéralement la cible Kyoto du pays à l'époque. Selon le livre Hot Air, cosigné par le chroniqueur du Globe&Mail Jeffrey Simpson, Jean Chrétien a fait fi des avis de ses ministres et des provinces lorsqu'il a proposé que le Canada réduise ses émissions de 6% sous leur niveau de 1990.

Selon le respecté chroniqueur, le Canada est ainsi passé d'une cible de 0% à 3% puis à 6%, de manière tout à fait aléatoire, dans le seul but de rivaliser avec l'administration Clinton-Gore et de se retrouver dans les bonnes grâces des historiens.