«Tiens, on me traite de grenouille japonaise!»Non, David Suzuki n'a pas été blessé par les propos du cinéaste Pierre Falardeau. C'est le moins que l'on puisse dire. Mais depuis, il dit avoir appris.

«Comme je ne parle pas votre langue, je ne savais pas si c'était vraiment insultant», a-t-il commenté hier, en marge du lancement de la traduction de son dernier ouvrage, Le guide vert, chez Boréal. «Je pensais qu'on me traitait de grenouille!»On se souvient que le coloré Pierre Falardeau avait qualifié l'environnementaliste de Colombie-Britannique de «petit japanouille à barbiche, un autre emmerdeur de la côte Ouest». Le cinéaste n'avait en effet pas digéré que ce dernier s'inquiète des percées conservatrices au Québec. «Reste donc chez vous, chose, pis crisse-nous patience avec ton mépris colonialiste», avait-il conclu, dans une virulente chronique publiée dans l'hebdomadaire Ici.

D'abord muet sur la question, David Suzuki a avoué hier avoir appris sa leçon. «Finalement, cela a été une leçon pour moi. J'ai compris que si l'on veut s'implanter dans une province comme le Québec, il faut le faire avec délicatesse.»

Résultat: à l'annonce récemment de l'ouverture d'une section québécoise de sa fondation, David Suzuki s'y est pris avec des pincettes. Il a invité tous les groupes environnementalistes locaux et tout fait pour ne pas avoir l'air «du gars qui sait tout, qui débarque avec des gros sous, avec l'intention d'expliquer aux autres comment faire».

Car il s'agit bien du contraire. «Nous sommes ici pour comprendre comment diable vous faites, vous les Québécois, et pourquoi dans le reste du pays, on ne fait pas pareil!»

Émerveillé

David Suzuki s'est d'ailleurs dit «absolument émerveillé» devant les derniers chiffres d'émissions de gaz à effet de serre québécois, les plus faibles au pays. Alors, il ne se privera pas pour nous le dire et nous féliciter, n'en déplaise à Pierre Falardeau. «C'est un exploit renversant!» a-t-il rajouté, deux fois plutôt qu'une, d'abord chez son éditeur Boréal, puis le midi, lors d'un déjeuner-causerie organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (Corim). À cette deuxième présentation, le militant s'est d'ailleurs introduit avec un «je suis un japanouille» bien senti...

Il faut dire que David Suzuki en a vu d'autres. «Recevoir ce genre de commentaires, cela fait partie de la job d'activiste», a-t-il glissé. Dans les années 70, on a tiré à travers sa fenêtre («évidemment, c'était une menace»), en pleine séance de jogging, il s'est fait tasser par un camion («j'ai dû sauter dans le fossé»), et des bûcherons lui ont même déjà interdit de se montrer dans certains villages. «Bien sûr, j'ai toujours pris ces menaces au sérieux. Mais nous sommes au Canada...»

Et à l'entendre hier dénoncer avec verve notre obsession économique et l'immobilisme environnemental d'Ottawa devant un parterre d'auditeurs, il est clair que sa croisade verte ne s'arrêtera pas là.