La plus petite grenouille du Québec obtiendra finalement un sursis à La Prairie, sur la Rive-Sud, où cette espèce en péril était menacée par un important projet domiciliaire évalué à 300 millions de dollars.

Nature Québec et le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) ont finalement conclu une entente avec la Ville de La Prairie et Quintcap, promoteur du projet Symbiocité. Le promoteur s'engage à ne faire aucun déboisement pour les phases 4, 5 et 6 du projet, le temps que le prochain ministre fédéral de l'Environnement ne rende une nouvelle décision pour autoriser ou non un décret d'urgence pour protéger la rainette faux-grillon à La Prairie. Le secteur abrite l'un des derniers et des plus importants habitats de l'espèce en Montérégie.

Cette entente est intervenue alors que les parties devaient se retrouver à nouveau en Cour supérieure du Québec où le CQDE voulait faire confirmer une injonction temporaire obtenue au début du mois d'août. Le juge Marc-André Blanchard avait alors ordonné un arrêt temporaire des travaux, qui devaient reprendre au mois de septembre. L'injonction temporaire prenait fin le 17 août. 

«On est allés aussi loin qu'on pouvait pour protéger ce qu'il restait à protéger», affirme Karine Peloffy, avocate et directrice du CQDE. Selon elle, cette entente est clairement une invitation au prochain ministre fédéral de l'Environnement afin de protéger l'habitat restant de la rainette à La Prairie.

Rappelons que la demande d'injonction reposait essentiellement sur une décision de la Cour fédérale rendue plus tôt cet été. Dans sa décision datée du 22 juin, le juge Luc Martineau conclut que le refus de la ministre fédérale de l'Environnement, Leona Aglukkaq, de recommander un décret d'urgence pour protéger la rainette faux-grillon à La Prairie ne reposait sur aucune analyse scientifique. Le juge Martineau a donné six mois à la ministre pour rendre une nouvelle décision dans ce dossier.

Depuis le début, la Ville et le promoteur rappellent qu'ils ont obtenu toutes les autorisations du ministère québécois de l'Environnement pour le projet Symbiocité. Ils affirment aussi que les travaux sont menés selon une technique « de phasage » censée permettre à la rainette de se déplacer jusque dans le parc de conservation prévu par la Ville.

La Ville de La Prairie a cependant refusé de donner suite à une demande d'accès à l'information de La Presse pour obtenir des documents sur cette technique de phasage. La Ville affirme que ceux-ci appartiennent à un tiers qui refuse leur divulgation. 

En avril dernier, le ministère québécois de l'Environnement avait d'ailleurs admis à La Presse ne pas avoir été en mesure de valider l'effet réel de cette technique.

De son côté, la biologiste indépendante Isabelle Picard affirme que cette technique de phasage n'est que de la « poudre aux yeux ». Selon elle, aucune des mesures mises en place jusqu'à présent ne pourra assurer la survie de l'espèce à La Prairie.

Par ailleurs, la Ville de La Prairie et le promoteur semblaient soucieux des retombées médiatiques de cette affaire puisque le communiqué de presse rédigé par le CQDE a fait l'objet de négociations et fait partie intégrante de l'entente. La Ville n'a d'ailleurs pas répondu aux demandes d'entrevues de La Presse. Du côté de Quintcap, c'est finalement une relationniste de la firme Octane qui a rappelé La Presse. Caroline Lavoie a tenu à mentionner que son client n'avait de toute façon aucun projet de déboisement pour les phases 4,5 et 6 avant l'année 2016.

La rainette faux-grillon est l'un des trois porte-étendards des espèces en péril au Québec avec le béluga et le caribou forestier. Elle a le statut d'espèce en péril au Canada et il ne reste plus en Montérégie que six habitats viables pour cette grenouille, dont celui de La Prairie. Le déclin de l'espèce est également synonyme de la perte importante de milieux humides dans le sud de la province au cours des 50 dernières années.