La Ville de La Prairie croyait bien avoir toutes les autorisations pour commencer les travaux pour son projet immobilier du Domaine de la nature, mais Environnement Canada n'est pas du même avis. Cette fois-ci, ce n'est pas une grenouille, mais des oiseaux qui sont en cause.

Des travaux de déboisement ont commencé la semaine dernière à l'ouest de l'autoroute 30 et au sud de la route 104. Des fonctionnaires fédéraux se sont rendus sur place mardi et ont constaté de possibles infractions à la Loi sur les oiseaux migrateurs, a appris La Presse. Celles-ci pourraient être passibles de poursuites pénales. La loi prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à un million de dollars et un emprisonnement maximum de trois ans.

Selon les informations obtenues par La Presse, Environnement Canada a demandé que ces travaux cessent aujourd'hui, ceux-ci ne pouvant reprendre avant le 15 août. Depuis mardi, La Presse a tenté à plusieurs reprises d'obtenir des explications du Ministère. Le porte-parole d'Environnement Canada a finalement répondu à nos questions en début de soirée.

La version officielle diffère quelque peu. Selon Mark Johnson, d'Environnement Canada, c'est plutôt le promoteur qui a décidé d'arrêter les travaux de déboisement le 9 juillet et ce, jusqu'au 15 août « Le dossier fait l'objet d'une enquête et aucune autre précision ou commentaire ne sera émis afin de ne pas nuire à l'enquête », précise-t-il.

Le Ministère avait prévenu la municipalité il y a quelques semaines qu'elle devait s'assurer que les travaux respectent la Loi sur les oiseaux migrateurs, qui interdit la destruction de nids d'oiseaux pendant la période de nidification.

Le directeur général de La Prairie, Jean Bergeron, confirme qu'Environnement Canada lui avait signalé qu'il devait se conformer à cette loi. Au cours des derniers jours, le promoteur et la ville ont embauché un ornithologue pour faire une inspection des lieux avant de procéder à la coupe d'arbres, explique le DG.

Selon les informations obtenues par La Presse, les agents fédéraux ont été surpris de constater que cette inspection, « selon des techniques douteuses », se tenait en même temps que les travaux de coupes d'arbres. 

La Ville de La Prairie traîne une mauvaise réputation en matière d'environnement. En 2005, l'ancien DG avait aussi été blâmé par l'Ordre professionnel des ingénieurs pour avoir autorisé différents travaux illégaux en milieux humides.



Un projet contesté

Rappelons que la rainette faux-grillon, une grenouille mesurant moins de 4 cm, est menacée par un projet immobilier évalué à 300 millions de dollars à La Prairie. Les travaux ont obtenu toutes les autorisations du ministère québécois de l'Environnement, mais des groupes écologistes contestent le projet, jugeant qu'il provoquera plutôt la disparition de l'espèce à La Prairie, qui abrite l'une des dernières populations de rainettes au Québec.

Le dossier est maintenant devant la Cour fédérale où Nature Québec et le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) ont déposé une demande de contrôle judiciaire pour contester le refus de la ministre fédérale de l'Environnement de recommander un décret d'urgence pour protéger l'espèce. Cette mesure exceptionnelle est prévue dans la loi fédérale sur les espèces en péril.

Le 1er juillet dernier, La Presse a révélé que les fonctionnaires d'Environnement Canada ont d'abord recommandé à la ministre Aglukkaq de faire adopter un décret d'urgence avant de finalement effectuer un virage à 180 degrés et de conclure que la rainette n'était pas menacée à La Prairie.

Photo fournie par Ciel et Terre

La rainette faux-grillon a vu son habitat diminuer considérablement ces dernières années.