Le Conseil de sécurité de l'ONU s'attaque désormais aux braconniers et trafiquants d'ivoire qui financent des groupes armés en Afrique centrale, une initiative saluée par les organisations de défense des espèces menacées.

Deux résolutions adoptées la semaine dernière, l'une sur la République centrafricaine (RCA), l'autre sur la République démocratique du Congo (RDC), soulignent que le braconnage et le trafic d'espèces sauvages attisent les conflits en Afrique centrale et profitent au crime organisé.

Le Conseil, garant de la paix et de la sécurité internationales, menace donc de sanctions - gel des avoirs financiers et interdiction de voyager - les individus impliqués dans ces trafics.

Cette menace vise en premier lieu les nombreux groupes rebelles actifs dans l'est de la RDC. L'ONU soupçonne aussi l'Armée de résistance du seigneur (LRA) de Joseph Kony, une guérilla ougandaise particulièrement sanguinaire, de se financer par la contrebande d'ivoire. Des experts évoquent en outre l'implication des shebab somaliens ou des Janjawids soudanais dans le trafic d'animaux sauvages.

«C'est la première fois que braconniers et trafiquants tombent sous le coup de sanctions (de l'ONU) quand les revenus de leurs activités sont utilisés pour financer un conflit», explique à l'AFP Wendy Elliott, directrice du programme des espèces au Fonds mondial pour la nature (WWF). «Cela devrait avoir un effet dissuasif».

«Certes, il n'y a pas de remède miracle», reconnaît-elle. «Mais il y a encore un an, le trafic d'espèces sauvages était considéré comme un problème environnemental, pas criminel». Désormais, espère-t-elle, ce ne sont plus seulement les ministres de l'Environnement qui devront se mobiliser, mais ceux de l'Intérieur et des Finances, ainsi que l'administration des Douanes.

Depuis 2009, le braconnage a pris une ampleur quasi industrielle avec des saisies d'ivoire de 500 kilos et plus, menaçant d'extinction éléphants ou rhinocéros en dépit des efforts de contrôle de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées). Soixante éléphants sont abattus chaque jour en Afrique. Il n'en reste que 500 000, moitié moins qu'en 1980.

Activité criminelle lucrative

En février 2012, des trafiquants venus du Soudan du Sud ont massacré plus de 300 pachydermes dans le parc national de Bouba N'Djidda (nord du Cameroun). En mai 2013, profitant du chaos ambiant en Centrafrique, des braconniers armés de kalachnikovs en ont tué au moins 26, selon le WWF, dans «le village des éléphants», un site classé au patrimoine mondial de l'humanité situé à Dzanga Bai (sud-ouest de la RCA). À ce rythme, l'Afrique perdra 20 % de ses éléphants dans les dix années à venir, estime l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

C'est que la contrebande d'animaux sauvages est devenue l'activité criminelle la plus lucrative après la drogue, la fausse monnaie et la traite d'êtres humains. Toutes espèces confondues, elle rapporterait chaque année plus de 14 milliards de dollars. L'ivoire brut peut atteindre 2000 dollars le kilo au marché noir en Asie, son principal débouché.

Il faut donc agir à la fois sur l'offre, là où l'ivoire est prélevé (Gabon, Kenya, Zambie, RDC, RCA, Ouganda, etc.), sur les gros consommateurs que sont la Chine et la Thaïlande, et sur les pays de transit (Kenya, Tanzanie, Malaisie, Vietnam).

«C'est un dossier qui prend peu à peu de l'importance», souligne un diplomate du Conseil. Celui-ci rappelle que deux réunions internationales lui ont été consacrées en décembre dernier, à Gaborone (Botswana) puis à Paris, et qu'à l'ONU des pays comme l'Allemagne et le Gabon travaillent ensemble régulièrement sur ce sujet.

Le premier ministre britannique David Cameron a convoqué un sommet sur le trafic d'espèces menacées les 12 et 13 février à Londres. Wendy Elliott en attend «une implication politique au plus haut niveau de la part des pays concernés».