Nature Québec vient de servir une mise en demeure à la ministre de l'Environnement, Leona Aglukkaq, au moment même où le gouvernement fédéral se fait sermonner par son commissaire à l'environnement pour ne pas protéger ses espèces en péril. Un appui de taille pour l'organisme environnemental qui cherche à se faire entendre à Ottawa.

Le 16 octobre dernier, Nature Québec a mis la ministre de l'Environnement en demeure de se «prévaloir dans les meilleurs délais des dispositions de l'article 80 de la Loi sur les espèces en péril». L'organisme souhaite voir le conseil des ministres à Ottawa adopter un décret d'urgence afin de protéger l'habitat de la rainette faux-grillon de l'Ouest dans le Bois de la Commune à La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal.

La rainette, une minuscule grenouille, est désignée espèce menacée par le gouvernement fédéral. Nature Québec s'inquiète du fait que l'espèce est particulièrement vulnérable à La Prairie où les mesures de protection actuellement en place «n'offrent pas les garanties nécessaires pour assurer sa survie et compromettent le rétablissement de l'espèce». Un projet de développement résidentiel menace son habitat dans cette ville.

La mise en demeure survient au moment où le commissaire fédéral à l'environnement, Neil Maxwell, dépose un rapport dévastateur à l'endroit d'Ottawa. Le commissaire conclut que le gouvernement fédéral ne respecte pas ses propres engagements en matière de protection des espèces en péril. 

Selon Christian Simard, directeur général de Nature Québec, le gouvernement fédéral a deux options devant lui. «Selon nous, la ministre de l'Environnement n'a pas le choix, elle doit présenter un avis de décret au conseil des ministres. À notre avis, en vertu de l'article 80, les ministres n'ont alors que deux possibilités, soit ils autorisent un décret, soit ils le refusent.»

«Nous n'avons même pas reçu d'accusé de réception, c'est un peu insultant», signale Michel Bélanger, président de Nature Québec et avocat dans le dossier. Selon des informations obtenues par La Presse, un problème de traduction serait à l'origine de la lenteur d'Ottawa puisque la mise en demeure a été envoyée en français. 

Première lettre sans réponse

La mise en demeure fait suite à une première lettre envoyée en mai dernier à l'ancien ministre de l'Environnement, Peter Kent. La missive est restée sans réponse ni accusé de réception. Nature Québec demandait alors à Ottawa d'adopter un décret d'urgence pour protéger la rainette faux-grillon à La Prairie. L'organisme s'inquiétait de voir l'impuissance manifestée par l'équipe de rétablissement de la rainette dans ce dossier. Au printemps dernier, les experts de cette équipe se disaient inquiets pour la survie de l'espèce et évoquaient eux-mêmes la possibilité pour le gouvernement fédéral d'intervenir en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

La Ville de La Prairie est toujours en attente des autorisations finales du ministère de l'Environnement du Québec pour commencer les travaux sur les terrains visés par le projet domiciliaire. Le Ministère précise qu'il a demandé des «compléments d'information» à la Ville avant de terminer l'étude du dossier.

La Prairie affirme qu'elle a jusqu'à présent obtenu toutes les autorisations nécessaires. Un certificat d'autorisation a d'ailleurs été délivré par le ministère de l'Environnement en mai 2008. «La Ville a été innovatrice dans ce dossier, déclare son directeur général, Jean Bergeron. Cinquante pour cent du territoire sera protégé. Nous allons créer en collaboration avec Nature-Action un parc de conservation de 80 hectares, une première au Québec.»

Pour Christian Simard, c'est un «certificat d'autorisation abusif» qui a été délivré. Le directeur de Nature Québec affirme qu'il existe une «culture fataliste» au ministère de l'Environnement face aux projets de développement. 

Même son de cloche du côté de Tommy Montpetit, chargé de projet au Centre d'information en environnement de Longueuil. «Des fonctionnaires du ministère de l'Environnement et de la Faune m'ont carrément avoué leur impuissance récemment. Ils m'ont dit : "Une chance que vous êtes là, les groupes écologistes et les citoyens pour faire pression dans ces dossiers". Je n'en croyais pas mes oreilles, ce sont eux les fiduciaires de l'environnement au Québec et ils sont en train de nous dire qu'ils ne peuvent rien faire !»