Nature Québec craint que ne se répète à La Prairie, sur la rive-sud de Montréal, le même scénario qui a prévalu à Laval au début des années 2000 alors qu'un milieu humide a été détruit par un projet immobilier. Du même souffle, l'organisme environnemental souhaiterait voir plus d'enthousiasme de la part du ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, pour protéger les rares milieux humides encore existants dans le sud du Québec.

Nature Québec demande au ministre de l'Environnement d'intervenir pour sauver un milieu humide « essentiel » qui est menacé par un projet immobilier à La Prairie, dans le Bois de la commune. On y retrouve notamment la rainette faux-grillon, une minuscule grenouille classée espèce en péril au Québec. Des travaux préparatoires ont d'ailleurs été entrepris en vue du projet domiciliaire.  

Dans un courriel envoyé à La Presse, le directeur général de la Ville de La Prairie, Jean Bergeron, affirme pour sa part que « La Prairie n'est aucunement comparable à une autre ville en ce qui concerne la protection des milieux humides, notamment le respect de l'habitat naturel de la rainette faux-grillon de l'ouest. »

Le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, estime qu'il faut arrêter de développer comme avant, en fonction d'abord des intérêts des promoteurs. « Le message doit être clair. On pense qu'il est temps d'avoir une loi de protection des milieux humides qui ait des dents. On aimerait aussi voir plus d'enthousiasme du ministre et du gouvernement dans ce dossier. »

Le ministre de l'Environnement dispose de nouveaux pouvoirs depuis 2011 qui lui permettent de retirer un certificat d'autorisation délivré par son Ministère. L'article 115.10 de la Loi sur la qualité de l'environnement stipule que le ministre peut «modifier, suspendre, révoquer ou refuser de renouveler un certificat d'autorisation » lorsqu'un titulaire ne respecte pas, entre autres, les dispositions de la loi. 

« Nous demandons au ministre de l'Environnement de retirer le premier certificat d'autorisation (délivré en 2008) sur la base d'informations nouvelles à La Prairie », affirme Christian Simard. Selon l'organisme, il serait encore possible d'éviter la même erreur qu'à Laval où un milieu humide, le marais 33B, a été détruit par un projet immobilier au début des années 2000.

L'organisme environnemental avait fait en vain une demande semblable au ministre fédéral de l'Environnement le 15 mai dernier. Depuis, silence radio du côté d'Ottawa. Nature Québec demandait au ministre Peter Kent de faire adopter un décret d'urgence en vertu de l'article 80 de la Loi fédérale sur les espèces en péril. « Nous n'avons même pas reçu un accusé de réception du ministre », s'offusque Christian Simard.

Selon des informations obtenues par Nature Québec, le ministère de l'Environnement du Québec attendrait que la rainette quitte le milieu humide pour autoriser le début des travaux en juillet. Une affirmation qui fait bondir Tommy Montpetit, chargé de projet au Centre d'information en environnement de Longueuil. « On ne peut quand même pas espérer que la rainette va déménager. Cette grenouille mesure 3 cm et son habitat est très restreint. D'un point de vue scientifique, ça ne tient pas la route.»

En entrevue à La Presse en mai dernier, le DG de La Prairie, Jean Bergeron, affirmait que la municipalité avait été innovatrice dans le dossier du Bois de la commune. « Cinquante pour cent du territoire sera protégé. Nous allons créer en collaboration avec Nature-Action un parc de conservation de 80 hectares, une première au Québec.»

La Ville de La Prairie prévoit commencer les travaux d'aqueduc au cours de l'été. La première phase du projet résidentiel devrait débuter à l'automne.