L'évolution des deux grands troupeaux de caribous du Québec serait tributaire de la présence plus ou moins abondante du lichen.

Des aires de mise bas jusqu'au quartier d'hiver, l'animal parcourt souvent des milliers de kilomètres aller-retour chaque année, s'alimentant de la végétation disponible durant tout son périple.

Si les arbres nains et les graminées produisent de nouvelles feuilles au printemps, le broutage excessif empêche progressivement une bonne reprise de la végétation. D'autant plus que dans le cas du lichen, il faut souvent autour de 50 ans avant une régénération complète. Comme les plantes se font plus rares, les bêtes voyagent davantage, ce qui entraîne des dépenses supplémentaires d'énergie. Peu à peu, l'état de santé général de la population se détériore, la reproduction diminue et le taux de survie des jeunes baisse. Il semble donc y avoir une corrélation entre la production du lichen et la prolifération du caribou. Par exemple, le troupeau de la rivière George a déjà atteint les 800 000 têtes dans les années 90, mais on estime qu'il ne comptait que quelque 5 000 bêtes à la fin des années 50.

Fin de la chasse commerciale

Si la chasse de subsistance et la chasse sportive ont peu d'impact lorsque les populations sont élevées, il en va autrement quand elles déclinent. Il y a quelques semaines, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a décrété l'abolition immédiate de la chasse commerciale et réduit les quotas individuels de deux à une bête par chasseur, ce qui devrait réduire la récolte d'environ 10 000 bêtes cette année, la chasse ayant lieu en hiver au Labrador.

Responsable de la région du Nord québécois au ministère des Richesses naturelles et de la Faune, le biologiste Denis Vandal explique que la récolte réalisée au Québec est de l'ordre de 1200 bêtes annuellement, soit autour de 300 par les Naskapis et 850 par les clients des pourvoyeurs. Québec n'a toujours annoncé aucune mesure de conservation. «Il n'est pas question de voir le troupeau réduit à 5 000 têtes comme ce fut le cas dans le passé, indique M. Vandal. Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter un tel scénario. Si la conservation même du troupeau l'exige, il faudrait d'abord songer à interdire la chasse sportive.»

Quant au troupeau de la rivière aux Feuilles, la récolte sportive est d'environ 10 000 bêtes par année et elle se fait surtout l'hiver. On ne dispose cependant d'aucun chiffre sur la chasse autochtone, que l'on croit considérable. Cette situation devra être corrigée afin de permettre une gestion éclairée de la situation, souligne pour sa part le chercheur Steeve Côté.

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Un grand migrateur

Le caribou est le mammifère terrestre qui fait les plus importantes migrations au monde, de 4 000 à 6000 km par année en ce qui concerne le cheptel nordique québécois. À vrai dire, même quand il se déplace très peu, dans les jours suivant la mise bas, par exemple, le migrateur parcourt pas moins de 15 à 30 km par jour, indique Steeve Côté, spécialiste du comportement des grands herbivores.

À l'échelle mondiale, on compte une vingtaine de troupeaux de caribous migrateurs, et la population totale serait d'environ 6 millions de têtes, réparties du Labrador à la Russie en passant par le nord du Canada, le Yukon, l'Alaska, la terre de Baffin, le Groenland, l'Islande et le nord de la Scandinavie. S'ajoutent plusieurs troupeaux de rennes semi-domestiques, dont les effectifs seraient de 3 millions de bêtes.

De nombreux peuples autochtones vivent en relation étroite avec le caribou, autant en Amérique du Nord que dans le nord de l'Europe, sans oublier ceux qui font l'élevage du renne en Scandinavie, en Russie ou en Mongolie. On compte aussi un troupeau de rennes semi-domestiques au Canada.

Dans plusieurs cas, le caribou représente un apport de protéines essentiel à l'alimentation.

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Une chasse moins populaire

La chasse au caribou est moins populaire au Québec. Au cours des 10 dernières années, le nombre de chasseurs étrangers, en presque totalité des Américains, est passé de 8 700 à 3 600, en raison de la récession économique qui sévit toujours aux États-Unis. Quant au nombre de permis vendus à des résidants, il a chuté de 7 300 à 5 600. Chaque détenteur peut abattre deux bêtes.