Depuis 2003, des dizaines de baleines, surtout des baleineaux, viennent s'échouer sur les plages de la péninsule de Valdez, au sud de l'Argentine, sans que les experts puissent expliquer ce phénomène inquiétant.

Cette «mortalité exceptionnelle» a été soulignée cette semaine à Agadir par les scientifiques de la Commission baleinière internationale (CBI): alors qu'un taux d'échouage relativement faible était observé depuis 1971, soudainement les chiffres ont commencé à gonfler, note son rapport. En 2003, les observateurs du programme de surveillance de la baleine franche dans la région ramassaient 31 cétacés; en 2005, 47; en 2007, 83; en 2008, 95 et encore 79 l'an passé.

Dans la majorité des cas - plus de 90% -, il s'agit de petits de moins d'un an.

Après avoir envisagé plusieurs hypothèses, les experts en ont retenu trois: un manque de nourriture disponible pour les femelles adultes, la présence d'une toxine, ou un virus. «Sans pouvoir dire laquelle de ces pistes est plus probable, ni quelle combinaison de facteurs» pourrait être en cause, soulignent-ils.

Cette zone de l'Atlantique sud est une zone de reproduction pour les baleines franches australes (Eubalaena australisopr), ou baleines noires, dont les touristes viennent admirer les 13 à 17 mètres entre les vagues pendant l'hiver austral (juin/octobre).

«Que le nombre élevé d'échouages soit observé à cet endroit précis ne constitue pas une surprise en soi puisque les baleines s'y concentrent en grand nombre pour mettre bas. En revanche on ne s'explique pas les raisons», confirme Vincent Ridoux, membre de la délégation scientifique française.

L'hypothèse d'un manque de nourriture pour les mères aurait en tout cas de graves répercussions sur le baleineau, qui tète près de 125 litres de lait par jour.

L'expert pointe une «bizarrerie», relevée dans le rapport: la présence de nombreux goélands, qui picorent le dos des baleineaux (de préférence) en surface et créent des lésions, susceptibles de faciliter la contamination par un virus ou des pollutions.

 

«On ne sait pas jusqu'à quel point ils sont impliqués (dans cette mortalité); mais ils constituent la seule source de dérangement visible», explique-t-il.

Nulle part ailleurs, assure-t-il, une «relation aussi bizarre» entre les goélands et les baleines, semblable à celle qui s'instaure souvent entre le bétail et certains oiseaux, a été constatée.

Par précaution, la CBI a demandé aux autorités locales de «prendre des mesures de gestion» contre les goélands, «parce que les lésions qu'ils créent sont clairement néfastes aux baleines, spécialement à leurs petits».

Les ONG et les gouvernements de la région sont également appelés à coopérer étroitement pour élucider ces échouages mystérieux et des campagnes aériennes d'observation, déjà conduites à des fins de recherches, vont être poursuivies.

La Commission baleinière, créée pour gérer la chasse en 1946, est aussi le seul organe de gestion des cétacés. Son comité scientifique est chargé de la renseigner sur l'état des populations de baleines, par espèces et aussi par région. Mais il étudie aussi les menaces qui, outre la chasse, pèse sur elles.

Les prises accidentelles dans les filets de pêche sont considérées parmi les plus sévères, mais aussi la pollution, la pollution sonore liée aux opérations militaires et à l'exploration pétrolière, les collisions avec les bateaux et le changement climatique (avec l'acidification des océans notamment).