L'avenir du thon rouge en Méditerranée, menacé par la surpêche, pourrait se jouer à partir de lundi à Marrakech (Maroc), où doivent être examinées les différentes options pour le protéger, pouvant aller jusqu'au moratoire, réclamé avec force par les écologistes.

La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (Iccat) aura huit jours pour trouver un accord sur ce sujet passionnel, aux lourdes implications environnementales, mais aussi économiques et sociales. Accentué par la flambée des prix, sur fond de forte demande des Japonais, très friands de cette espèce, l'effondrement du stock de thon rouge est réel.

Des quotas existent certes. Mais outre le fait qu'ils sont jugés trop élevés par nombre de spécialistes, ils ne sont jamais respectés.

En 2007, alors que le niveau de capture autorisé était de 29.500 tonnes, 61.000 tonnes, soit plus du double, ont été capturées, selon les chiffres du comité scientifique de l'Iccat, qui juge qu'une limite maximale de 15.000 tonnes par an devrait être fixée.

«La réunion de Marrakech est cruciale. C'est une question de crédibilité. L'Iccat doit faire comprendre à ses États membres qu'on ne peut plus continuer comme cela, que cette histoire devient ridicule», estime François Simard, conseiller pour la pêche et les affaires maritimes à l'Union mondiale pour la nature (UICN).

Mi-octobre, l'UICN s'est prononcée pour une suspension de la pêche au thon rouge en Méditerranée. Fait notable, cette décision a été approuvée par le Japon et l'Espagne.

Quinze jours plus tard, les ministres européens de la Pêche ont réclamé une gestion plus «rigoureuse» grâce à une réduction des quotas et de la durée de la saison de pêche.

Ils n'ont cependant pas retenu l'hypothèse d'un moratoire international, qu'ils jugent inapplicable.

Six pays de l'UE sont concernés par cette pêche: la France, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Malte et Chypre.

Pour Sergi Tudela, responsable pêche au WWF Méditerranée, une fermeture de la pêche est indispensable «dans l'attente de l'imposition de contrôles adéquats, d'une réduction de la capacité de pêche et de la mise en oeuvre effective d'un plan de sauvetage sur une réelle base scientifique».

De son côté, l'Association européenne des thoniers méditerranéens (AETM), qui affirme regrouper 2.500 professionnels de France, d'Italie et Malte, demande que les niveaux des quotas de pêche ne soient pas réduits et insiste pour que les contrôles soient renforcés «pour tous».

Les pêcheurs de l'Union européenne dénoncent régulièrement le manque de contrôles sur la flotte des pays du Maghreb, de la Libye, de la Turquie ou encore de la Croatie.

«C'est un point sur lequel nous devons être extrêmement vigilants et même intransigeants», soulignait il y a deux semaines le ministre français de la pêche Michel Barnier.

Les discussions, qui s'annoncent houleuses, devraient être compliquées par le fait que les populations de thon rouge restent mal connues. Le manque de données fiables sur les tailles, les classes d'âge, les lieux de capture, rend difficile une analyse sereine de l'ampleur exacte du problème.

«La pression n'a jamais été aussi forte», estime François Chartier, chargé de la campagne Océan Greenpeace.

«L'idée d'un moratoire était totalement utopique l'année dernière ou il y a deux ans, cela fait désormais partie des scénarios crédibles. Aujourd'hui, le thon rouge incarne la crise des océans et le problème de la gouvernance des pêcheries», explique-t-il.

Les décisions de l'Iccat devraient être annoncées le 24 novembre.