La France va détruire jeudi trois tonnes d'ivoire issues de saisies pour sensibiliser l'opinion et afficher sa détermination à lutter contre ce trafic, une première en Europe qui suit ainsi l'exemple d'autres continents.

«La France est le premier pays européen à procéder à la destruction de ses stocks depuis l'entrée en vigueur du moratoire sur le commerce de l'ivoire», en janvier 1990, souligne le ministère français de l'Écologie, qui pilote l'opération.

La destruction devait se dérouler publiquement en fin de matinée, à proximité de la tour Eiffel, et concernera des stocks conservés jusqu'ici à l'aéroport international de Roissy-Charles de Gaulle, en banlieue parisienne, où se concentre une large majorité des saisies françaises.

Face aux braconniers et trafiquants qui ne laissent pas de répit aux éléphants africains, au point de menacer à terme la survie de l'espèce emblématique du continent, les destructions d'ivoire se multiplient dans le monde.

En 2013, des destructions ont eu lieu aux Philippines, dans l'État du Maharastra en Inde, au Gabon et au Kenya. En novembre, les États-Unis réduisaient en fumée cinq tonnes d'ivoire confisquées au cours des 25 dernières années, appelant d'autres pays à les imiter.

Début janvier, c'est la Chine, plus gros consommateur mondial d'ivoire illégal, qui en a détruit six tonnes. L'opération, très médiatisée, visait aussi à redorer l'image de Pékin, qui a entre ses mains la survie des éléphants africains puisque la plus grande partie de l'ivoire braconnée lui est destinée.

Le salut des éléphants passera par une sensibilisation des consommateurs. Car, explique Stéphane Ringuet, expert du réseau Traffic de surveillance des espèces sauvages, «la source du problème se trouve en Asie, où l'on assiste à une augmentation démesurée de la demande en ivoire» pour la bijouterie ou la décoration.

Pour le Fonds mondial pour la protection des animaux (IFAW), «la destruction de l'ivoire de contrebande permet d'envoyer un message fort» et donc de «contribuer à réduire la demande».

Dans la foulée, Hong-Kong s'est engagé fin janvier à détruire 28 tonnes d'ivoire à partir de 2014.

Enrayer le massacre des éléphants

Selon Traffic, entre 1989 et 2011, le plus gros volume de saisies a eu lieu en Chine avec plus de 33 000 tonnes, sachant que près de 17 000 tonnes ont aussi été confisquées à Hong-Kong.

À Paris, le lot promis à la destruction comprend 698 défenses brutes ou travaillées (2,3 tonnes) et 15 357 objets pesant 800 kg (bijoux, statuettes, etc.). L'ivoire sera broyé, puis envoyé dans une cimenterie pour être brûlé.

En revanche, des objets anciens en ivoire peuvent, sous réserve de produire des preuves sur leur date d'importation, être vendus.

Selon l'ONG Robin des Bois, qui suit de longue date les questions de braconnage, le stock d'ivoire français issu de saisies serait d'environ 17 tonnes.

L'ONG a salué la démarche française de destruction d'une partie de son stock, un moyen selon elle de sensibiliser l'opinion publique en France et à l'étranger, de diminuer les risques de vol et de ne pas spéculer sur la future valeur de ce matériau, aujourd'hui très prisé en Chine et dans une moindre mesure en Thaïlande.

«La destruction de stocks ne va pas ralentir à elle seule le massacre des éléphants», souligne toutefois Jacky Bonnemains de Robin des Bois. «Mais ce doit être un des éléments d'un plan coordonné, qui comprend une réelle application des peines prévues, le renforcement des amendes et de la coopération policière».

Les deux principaux marchés sont la Chine et dans une moindre mesure la Thaïlande, selon le comité de la Cites (convention internationale régissant les espèces protégées), qui s'est alarmé en 2013 de l'escalade de l'abattage d'éléphants, surtout depuis 2009.

Il ne reste plus que 500 000 éléphants en Afrique, soit moitié moins qu'au début des années 80. Au rythme d'abattage actuel (entre 20 000 et 25 000 par an), leur survie n'est plus assurée.