Pour la première fois depuis plus d'un siècle, des scientifiques ont trouvé du saumon de l'Atlantique né en liberté dans un affluent du lac Ontario où cette espèce grouillait autrefois, signe de ce que le programme de réintroduction pourrait enfin porter ses fruits, après des années d'échec.

Jim Johnson, biologiste à l'institut national américain de Géologie, a précisé mercredi que 41 jeunes saumons de l'Atlantique sauvages avaient été recueillis cet été dans la bien nommée rivière Salmon, dans le sud-est du lac, dans l'État de New York. Pour ce scientifique, c'est le résultat d'une évolution de la chaîne alimentaire de l'Ontario. Le saumon de l'Atlantique a autrefois été abondant dans le lac Ontario et ses affluents. Au début du XIXe siècle, on a rapporté des prises journalières de milliers de poissons pesant de 6,8 à 9kg dans la rivière Salmon. Au tournant du siècle, la surpêche, les barrages, la déforestation et la pollution avaient eu raison d'une ressource qui paraissait inépuisable.

Les agences américaines et canadiennes de l'environnement tentent désormais, souvent en partenariat avec des organisations écologiques et de pêcheurs, de réintroduire le saumon de l'Atlantique dans le lac Ontario. L'État de New York relâche par exemple chaque année 30000 de ces poissons qu'il prélève dans une frayère des montagnes de l'Adirondack, situées dans le nord de l'État. Mais bien peu de ces individus survivent assez longtemps pour rejoindre la rivière Salmon et s'y reproduire une fois adultes.

Si la perte des habitats a joué un rôle essentiel dans la disparition du saumon de l'Atlantique, l'introduction du gaspareau (Alosa pseudoharengus, alose) il y a plus de 50 ans a également pesé lourd. Le régime alimentaire du saumon repose en effet largement sur ce petit poisson, qui contient des teneurs élevées en thiaminase. Cette enzyme détruit la thiamine, une vitamine, entraînant une carence qui est fatale aux alevins.

Le récent déclin de la population de gaspareau dans le lac Ontario, conjugué à l'augmentation de celle des poissons-proies indigènes, pourrait contribuer à la progression des populations de saumon de l'Atlantique, estime Jim Johnson.

«Cela nous permet d'espérer obtenir la reproduction naturelle du saumon de l'Atlantique malgré le problème de la thiaminase», se réjouit Dan Bishop, responsable régional de la pêche au service de Protection de l'environnement de l'État de New York.

Selon Jim Johnson, les saumons juvéniles découverts cet été, reconnaissables au fait qu'ils sont plus petits et plus jeunes que ceux d'élevage, sont issus de poissons d'élevage relâchés qui ont atteint l'âge adulte et sont parvenus à se reproduire.

«Excellente nouvelle!», commente Marion Daniels, biologiste de l'unité de gestion du lac Ontario au ministère des Richesses naturelles, à Toronto, lequel a lancé un programme de réintroduction du saumon de l'Atlantique dans le lac Ontario en 2006 avec une cinquantaine de partenaires. «La reproduction sauvage n'est pas encore confirmée de notre côté mais nous avons vu des saumons adultes regagner la rivière Crédit ces deux dernières années «, explique Marion Daniels.

Des touladis (Salvelinus namaycush), de même que des truites arc-en-ciel et des saumons chinook et coho, qui ne sont pas des espèces indigènes de l'État de New York, ont aussi été relâchés par des élevages et parviennent à se reproduire jusqu'à un certain point dans cet État. D'après Jim Johnson, ces espèces sont moins susceptibles de souffrir de déficience en thiamine car elles migrent vers l'océan, alors que le saumon de l'Atlantique grandit dans le lac Ontario.