L'Union européenne se rapproche d'un embargo sur les importations de produits dérivés du phoque, en signe de protestation contre les méthodes de chasse -- jugées cruelles -- de cette espèce, au risque d'un conflit commercial avec le Canada, premier pays visé.

Lors d'une réunion vendredi à Bruxelles des représentants des 27 Etats de l'Union européenne, «une majorité suffisante s'est dégagée de la discussion en faveur d'une interdiction totale», a indiqué une source diplomatique.Ce coup de semonce intervient alors que la chasse annuelle aux phoques vient tout juste de s'ouvrir sur la côte atlantique canadienne, avec un quota de prises autorisé revu en hausse par le gouvernement à 338.000 animaux.

Après plusieurs mois de discussions, «on a l'impression que les Etats européens sont prêts à choisir cette option à présent», a ajouté la source diplomatique.

Une autre source a souligné que sept pays seulement avaient clairement exprimé leur opposition à un tel embargo lors du débat: la Suède et la Finlande, qui pratiquent eux-mêmes la chasse aux phoques à petite échelle sur leurs côtes, le Danemark, qui traditionnellement soutient le Groenland sur ce sujet, les trois Etats baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) et la Bulgarie.

«Nous sommes très contents. Cela se présente bien pour nous en ce qui concerne la perspective d'avoir une interdiction d'importation dans l'UE», a réagi le représentant en Europe du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), Adrian Hiel.

«Les enquêtes en Europe montrent toutes que les citoyens du continent veulent un embargo complet. Tout autre option, comme des dérogations en cas de conditions d'abattage améliorées, serait inopérante», a-t-il ajouté.

A ce stade, l'avis des Etats de l'UE n'est qu'indicatif. La décision finale doit être prise dans les prochaines semaines après une concertation entre les gouvernements et le Parlement européens.

Des discussions entre eux pour tenter de trouver un terrain d'entente doivent débuter en principe dès lundi à Bruxelles, avant un vote final du Parlement européen programmé le 22 avril.

Mais la tendance semble à présent claire. Début mars, une commission du Parlement a donné le ton en se prononçant déjà en faveur d'une interdiction.

Le projet d'embargo à l'étude ne tolèrerait que de rares exemptions, réservées «aux communautés inuits et indigènes» pratiquant une chasse locale assez facilement contrôlable, au Groenland, au Canada, en Sibérie et en Alaska.

Un texte alternatif prévoyant d'autoriser les importations avec un système d'étiquetage pour garantir au consommateur que le produit acheté provient de phoques tués «sans souffrance inutile» n'a pas été retenu à ce stade.

«Il est trop difficile de contrôler sur le terrain les méthodes de chasse à grande échelle comme au Canada pour voir si, par exemple, les animaux sont effectivement tués avant d'être dépecés», souligne un diplomate européen.

Si l'UE concrétise bien son intention, elle s'expose à de potentiels recours devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

«Nous allons exercer nos pleins droits aux termes du commerce international si cela devient nécessaire», a récemment averti la ministre canadienne des Pêches, Gail Shea.

Hors UE, les autres pays où cette chasse est pratiquée sont le Groenland, l'Islande, la Namibie, la Norvège, la Russie et les Etats-Unis.