Potentiellement fatal à l'espèce, le réchauffement de la planète a déjà laissé des empreintes visibles sur l'ours polaire, plus petit, moins robuste et apparemment de plus en plus enclin au cannibalisme.

Réuni cette semaine à Tromsoe (nord de la Norvège) pour une rencontre consacrée à la conservation de l'ours face à la menace climatique, le gratin de la science mondiale a tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences parfois dramatiques du recul de la banquise.

«Nous n'avons pas de preuves attestant du changement climatique mais nous avons des preuves des nombreux symptômes qu'il provoque sur les ours polaires», souligne Andrew Derocher, président du Polar Bear Specialist Group, un réseau international de scientifiques.

Premier constat, la taille du roi de la banquise fond à mesure que la glace recule.

Dans la baie d'Hudson au Canada, un important foyer d'ours, les glaces sont désormais présentes trois semaines de moins qu'il y a 30 ans, rognant d'autant la période de chasse au phoque, le mets de base du plantigrade qui y trouve les graisses indispensables pour son jeûne estival.

Les femelles y pèsent aujourd'hui environ 230 kilos, soit 65 kilos de moins qu'en 1980, et ne mesurent plus que 185 cm en moyenne contre 220 cm il y a quelques décennies.

Périodes de chasse toujours plus courtes et distances toujours plus grandes pour regagner la banquise nuisent à la santé de l'animal, ce qui se répercute sur ses capacités de reproduction et sur les chances de survie de sa progéniture, préviennent les experts.

«La chaîne d'événements débute avec une détérioration de la condition physique qui provoque une détérioration du niveau de reproduction qui provoque à son tour une chute des chances de survie» d'une population, relève M. Derocher.

Le réchauffement climatique semble aussi affecter le comportement de l'ours blanc, dont la population actuelle est estimée entre 20.000 et 25.000 individus.

Plusieurs incidents récents de cannibalisme en Alaska inquiètent notamment les chercheurs.

«On savait qu'il arrivait que des ours polaires tuent et mangent d'autres ours», explique à l'AFP Steven Amstrup, biologiste de l'US Geographical Survey.

«Mais la différence cette fois-ci, c'est que les ours s'étaient délibérément mis en chasse d'autres ours, en s'en prenant à des femelles dans leur cave d'hibernation» sous la neige, dit-il. «Nous supposons que c'était lié au stress nutritionnel».

Face à l'instabilité croissante de la glace, problématique pour les oursons, les ourses gravides (enceintes) hibernent de plus en plus souvent à terre plutôt que sur la banquise, ont aussi remarqué les chercheurs.

Dans le nord de l'Alaska, les deux-tiers des ourses choisissent d'hiberner sur la terre ferme pour mettre bas, une proportion inverse à ce qui était observé il y a quelques années.

«Ce sont des réfugiés plutôt que des immigrés. Il ne s'agit pas d'un exil de coeur mais d'un exil de raison», explique M. Derocher à l'AFP.

Le recul des glaces marines oblige par ailleurs l'ours blanc à nager sur des mers de plus en plus dégagées et donc potentiellement agitées.

En automne 2004, quatre ours polaires, pourtant nageurs émérites (leur nom latin est ursus maritimus), ont été retrouvés morts noyés en mer de Beaufort au nord de l'Alaska, vraisemblablement vaincus par des vagues trop élevées.

«Chacun de ces symptômes, pris séparément, ne serait peut-être pas trop préoccupant mais, vus dans leur totalité, cela montre une image lugubre de l'impact que le changement climatique a dès à présent sur les ours polaires», commente Geoff York, spécialiste des ours blancs chez WWF.

«Et, selon les prévisions, les choses ne vont faire qu'empirer».