Les forêts tropicales du monde ont perdu 39 millions d'acres (160 000 kilomètres carrés) de couvert arboré en 2017, soit une superficie équivalente à celle du Bangladesh, démontrent des données publiées mercredi par l'Université du Maryland.

La Colombie a connu une augmentation spectaculaire de la dégradation de ses forêts l'année dernière et les niveaux au Brésil restent historiquement élevés, selon les nouvelles données satellitaires.

Cela fait de 2017 la deuxième plus mauvaise année jamais enregistrée, après 2016, depuis que les chercheurs ont commencé à colliger des données en 2001. Les pertes au Brésil, où se trouve la majeure partie de la forêt amazonienne, représentaient près de 30 % du total - une perte plus importante que celle de tout autre pays.

«Ces chiffres racontent l'histoire alarmante de la situation des forêts tropicales du monde, a dit Andreas Dahl-Jorgensen, le directeur adjoint de l'Initiative internationale sur le climat et les forêts de la Norvège, lors de la présentation des chiffres. C'est vraiment un appel à l'action pour tout le monde.»

La Norvège accueille cette semaine le Forum de la forêt tropicale d'Oslo, qui traitera de la manière dont la protection des forêts peut contribuer à atteindre les objectifs climatiques de Paris. Le gouvernement norvégien a annoncé une contribution de 16,6 millions $ US pour combattre la déforestation illégale; l'argent sera remis à un partenariat formé d'Interpol, de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et d'une organisation appuyée par l'ONU pour lutter contre la déforestation illégale.

Alors que les pertes de la Colombie représentaient une proportion beaucoup plus faible du total, le pays sud-américain a connu un bond inquiétant: la perte de couverture forestière a augmenté de 46 % en 2017 par rapport à l'année précédente et le nombre d'hectares perdus - soit 425 000 - est plus du double de la perte moyenne de 2001 à 2015.

Le World Resources Institute, qui a publié les données sur sa plateforme Global Forest Watch, a lié l'augmentation à l'accord de paix du gouvernement colombien avec les rebelles des FARC, qui limitaient sévèrement l'utilisation commerciale des grandes zones forestières qu'ils contrôlaient depuis des décennies. Maintenant que les rebelles n'ont plus le contrôle, les spéculateurs fonciers et ceux qui défrichent les terres pour l'agriculture, l'exploitation minière et l'exploitation forestière arrivent en trombes.

Les données publiées mercredi mesurent «la perte de couverture d'arbre», ou la mort des feuilles d'un arbre. Les données peuvent donner une image plus pessimiste que les autres chiffres de la déforestation, car elles ne prennent pas en compte si la perte est permanente, tout en enregistrant la perte de feuilles dans de petites zones et en capturant le couvert forestier perdu au feu. Mais ces données sont utiles parce qu'elles peuvent fournir un cliché instantané plus complet des perturbations aux forêts du monde.

Plusieurs autres chiffres de déforestation, par exemple, ne comptent pas les arbres perdus au feu, ce qui n'entraîne pas nécessairement la perte permanente d'un arbre, mais augmente les émissions de carbone, rend les arbres plus vulnérables aux incendies futurs et peut réduire la biodiversité. Les incendies deviennent une composante de plus en plus importante de la situation en Amazonie brésilienne, où ils ont été responsables de 31 % de la perte de couverture des arbres l'an dernier, selon les données.

«Les incendies jouent un rôle plus important et ramènent les émissions de carbone à la fourchette générale où elles se trouvaient lorsque les taux de déforestation étaient si élevés au début des années 2000», a expliqué Mikaela Weisse, une chercheure au World Resources Institute.

Les incendies augmentent partiellement en raison des effets des changements climatiques, mais la majorité d'entre eux sont allumés par des personnes qui défrichent des terres pour d'autres usages, a ajouté Mme Weisse. Le manque d'application des interdictions d'incendies et d'autres destructions forestières ainsi que le recul des protections environnementales sous le gouvernement du président brésilien Michel Temer ont probablement conduit à l'augmentation des incendies d'origine humaine, ont indiqué des experts de l'institut.

D'autres données de suivi de la déforestation en Amazonie brésilienne ont noté que la destruction semble être à nouveau en hausse après une diminution l'année dernière. Les données les plus récentes d'un organisme sans but lucratif, l'Institut de l'homme et de l'environnement de l'Amazonie, ont montré que la superficie déboisée en mai 2018 était environ 70 % plus importante que le même mois un an plus tôt.

Les données de l'Université du Maryland ont également porté sur la nation africaine du Congo, où la perte de couverture des arbres a atteint un record l'année dernière, et les Caraïbes, où les ouragans ont causé des pertes importantes. Même si la destruction causée par les tempêtes fait partie d'un cycle naturel, les experts craignent que les tempêtes de plus en plus puissantes ne rendent plus difficile le rétablissement des forêts.

Les données rapportent de bonnes nouvelles en Indonésie, où la perte de couvert forestier dans les forêts primaires a chuté de 60 % l'année dernière. Les experts attribuent cela en grande partie à la protection accrue des zones tourbeuses dans cette nation asiatique.